Un Boeing 777-300ER de Kenya Airways à l’aéroport international Jomo-Kenyatta de Nairobi, en 2013. / Noor Khamis / REUTERS

« Seulement » 6,1 milliards de shillings kényans (près de 49 millions d’euros) de pertes. Le chiffre peut sembler abyssal mais, pour Kenya Airways, les résultats publiés fin mars et portant sur les neuf derniers mois de l’année 2017 témoignent au contraire d’une nette amélioration. Car la compagnie nationale revient de loin.

En 2016, on l’avait plus que jamais crue proche de la faillite. Alors plombée par une dette de plus de 1 milliard d’euros après des achats pléthoriques d’avions et souffrant de la chute du tourisme dans un pays touché par les attaques terroristes, elle avait publié des pertes de 26,2 milliards de shillings kényans pour l’exercice annuel 2015-2016 (clos le 31 mars). Jamais une entreprise kényane n’avait réalisé une aussi piètre performance.

Dette restructurée

Kenya Airways respire donc un peu, après une année 2017 très mouvementée. En juin, un nouveau directeur général, le Polonais Sebastian Mikosz, avait été nommé pour tenter de redresser la barre. Sa recette : réduire radicalement les coûts et augmenter le nombre de passagers. Immédiatement mise en œuvre, elle a, selon lui, déjà contribué à améliorer nettement la rentabilité du groupe.

De plus, l’entreprise a bénéficié en novembre 2017 d’une restructuration de sa dette, ce qui va alléger ses charges. Un processus au cours duquel l’Etat et les banques ont pris le contrôle de cette société cotée, dont ils détiennent désormais respectivement 48,9 % et 38,1 % du capital.

Sur cette base, 2018 s’annonce comme une année cruciale. « Nous devons encore prouver que nous pouvons être rentables, a déclaré Sebastian Mikosz début mars. C’est là le plus grand défi pour nous, dans un environnement où nous faisons face à une intense compétition. »

Car, empêtré dans ses difficultés, l’ancien leader a perdu du terrain. La compagnie, qui s’est donné pour slogan « The Pride of Africa » (« La fierté de l’Afrique »), n’est plus que la troisième du continent, derrière South African Airways et Ethiopian Airlines. En 2015-2016 – période noire pour Kenya Airways –, cette dernière affichait même des bénéfices records avec 6 milliards de birrs, soit environ 240 millions d’euros.

« De plus, Kenya Airways fait aussi face à la concurrence de compagnies non africaines comme Emirates qui, grâce à son réseau mondial, est en mesure de proposer des prix très bas », ajoute Aly-Khan Satchu, fondateur de la société de conseil Rich Management, notant qu’Emirates et Etihad ont la mainmise sur le transport de marchandises au Kenya. Preuve de l’intérêt des acteurs internationaux, le groupe Air France-KLM vient d’ouvrir une liaison directe Paris-Nairobi et de renforcer son partenariat commercial avec Kenya Airways, dont il est actionnaire à 7,8 %.

Nouvelle ligne Nairobi-New York

Dans ce contexte de forte compétition, et profitant de cette éclaircie, la direction de « KQ » (le code aéroportuaire et surnom de la compagnie) vient d’annoncer une stratégie de développement offensive. Pour maximiser les revenus, elle compte cibler les clients de la classe business et créer une classe économie premium, mais aussi, et surtout, ouvrir de nouvelles lignes.

La première d’entre elles fait déjà grand bruit : un Nairobi-New York, dont le vol inaugural est annoncé pour octobre. Au-delà du prestige de cette destination, la nouvelle liaison doit rapporter pas moins de « 100 millions de dollars [environ 80 millions d’euros] de revenus » annuels. Elle s’adresse à la fois aux touristes américains (dont le nombre devrait augmenter après que le département d’Etat a amélioré ses recommandations aux voyageurs concernant le Kenya), aux hommes d’affaires et aux employés de l’ONU, dont le siège régional est à Nairobi.

Au total, pas moins de vingt nouvelles destinations sont envisagées d’ici à cinq ans, notamment en Europe et dans l’océan Indien (comme l’île Maurice, une porte d’entrée du marché asiatique).

La compagnie a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Selon une source impliquée dans la restructuration de la dette, tous les actionnaires n’étaient pas convaincus par cette politique d’expansion, certains plaidant pour un recentrage sur le marché intérieur et l’Afrique de l’Est, « potentiellement plus rentables ». « Le problème, c’est que les Etats utilisent toujours les compagnies aériennes comme un instrument de puissance », poursuit cette source.

Une tendance qui pourrait s’accentuer maintenant que le gouvernement est le premier actionnaire de Kenya Airways. Mais, sur ce terrain, il trouvera encore son voisin éthiopien. Les autorités d’Addis-Abeba possèdent la totalité du capital d’Ethiopian Airlines et réinvestissent l’ensemble des bénéfices de l’entreprise dans son développement. Elles font par ailleurs construire actuellement un nouveau terminal à l’aéroport de la capitale éthiopienne. De quoi contribuer à conforter l’avance de leur champion dans la course au ciel africain.