Gianluigi Buffon, incrédule, voit l’arbitre de la rencontre Real Madrid-Juventus Turin lui signifier son renvoi de la partie, mercredi 11 avril. / OSCAR DEL POZO / AFP

« Je ne gagnerai jamais la Ligue des champions ». A la fin du quart de finale aller de la Ligue des champions et après avoir été aux premières loges du bijou de retourné acrobatique de Cristiano Ronaldo, mardi 3 avril, le légendaire gardien de la Juventus Turin, Gianluigi Buffon, répondait, fataliste, aux journalistes venus à sa rencontre. Battue 3-0 à domicile par le Real Madrid, double tenant de la compétition, la Juve n’avait quasi plus aucun espoir de renverser la tendance au match retour. Dans l’histoire de la Ligue des champions, jamais une équipe ne s’est qualifiée après avoir remonté à l’extérieur un tel retard. Une semaine plus tard, les joueurs de la Vecchia Signora (la « Vieille Dame ») ont tout fait pour faire mentir les chiffres. Et le scénario des ultimes minutes du match retour est d’autant plus cruel pour eux.

Les joueurs de Massimiliano Allegri ont cru à l’exploit jusqu’aux ultimes instants, mercredi 11 avril, au stade Santiago Bernabeu. Deux buts de la tête de Mario Mandzukic en première période (2e et 37e) et un de raccroc de Blaise Matuidi, profitant d’un relâchement coupable du gardien, Keylor Navas, (61e) ont permis à la Juve de rattraper son retard sur le terrain du champion d’Europe. Dans les cages, le capitaine « Gigi » Buffon assume son rôle de gardien d’une défense intraitable. En extase après le troisième but des siens, à 40 ans, le champion du monde 2006 repousse les tirs adverses et ses adieux à la compétition reine en Europe, titre après lequel il court depuis ses débuts en pro, avec Parme voilà plus de vingt ans.

Face aux vagues d’attaques du Real, décidé à ne pas attendre les prolongations pour valider son ticket pour les demi-finales et à ne pas subir, un jour après son rival barcelonais, une « remontada » à son tour, le navire italien plie mais ne rompt pas. Jusqu’à cette action dans le temps additionnel. A la 93e minute, à la suite d’une remise de la tête de Ronaldo, Lucas Vasquez est mis au sol par le défenseur Mehdi Benatia alors qu’il n’a plus qu’à pousser le ballon au fond des filets. Sans hésiter, l’arbitre Michael Oliver, désigne le point de penalty. Si le Real le transforme, il se hissera en demi-finales pour la huitième saison d’affilée.

Premier carton rouge en 117 rencontres de Ligue des champions

Une nuée de joueurs en jaune – couleur du maillot turinois à l’extérieur cette saison – entoure l’arbitre anglais, protestant contre sa décision qui annule – presque – la partition parfaite qu’ils viennent d’interpréter. Et en bon capitaine, Gianluigi Buffon est le premier, et parmi les plus véhéments, à reprocher son choix à M. Oliver. Dans la cohue, le gardien éructant bouscule légèrement l’homme en noir – en bleu lors de ce match –. Qui sans sourciller, met la main à la poche et brandit un carton rouge au gardien vétéran. Lequel se fige, hagard, lorsqu’il réalise qu’il vient d’être expulsé. Son premier carton rouge en 117 rencontres de Ligue des champions.

La suite ? Après de longues minutes d’attente, Cristiano Ronaldo tire le penalty sans se poser de questions, et trompe Wojciech Szczesny, le gardien remplaçant turinois rentré pour tenter de palier l’absence de Buffon dans ces derniers instants. L’historique gardien italien, ovationné par le Santiago Bernabeu alors qu’il quitte la pelouse – bel exemple de fair-play, à l’instar des clameurs du stade turinois après le but d’extraterrestre de Ronaldo à l’aller – a quitté ses partenaires et contient tant bien que mal sa colère devenue froide.

« Il ne méritait pas ça », pour Zidane

« Cet arbitre n’a pas de cœur. Il a un sac poubelle à la place du cœur », a dénoncé Buffon après la rencontre, parlant d’« une faute [que l’arbitre] est le seul à avoir vue ». « Si tu n’as pas de personnalité et de courage, tu vas en tribunes regarder le match avec ta femme et un Sprite. » Si plusieurs joueurs de la « Vieille Dame », Benatia en tête, ont protesté contre la décision de M. Oliver, qu’ils jugent inique, Massimiliano Allegri a défendu son gardien, trouvant sa réaction véhémente « humaine et compréhensible ».

« Il ne méritait pas ça », a relaté après la rencontre un Zinédine Zidane soulagé par la qualification de ses ouailles. Et le technicien français, qui a achevé sa carrière de joueur sur un carton rouge lors de la finale du Mondial 2006 perdue contre l’Italie de… Buffon, de souligner que cette expulsion « n’enlèvera pas ce qu’il est, ce qu’il a fait, ce qu’il a été. C’est ce que je lui ai dit. Je l’ai vu à la fin du match pour lui dire que c’était un joueur énorme, qu’il faut qu’il pense surtout à tout ce qu’il a fait ».

La solitude de Gianluigi Buffon, après son premier carton rouge en Ligue des champions, mercredi 11 avril. / FRANCISCO SECO / AP

Agé de 40 ans, le natif de Carare a probablement disputé mercredi son dernier match de Ligue des champions. « On verra, c’est probable », a commenté à chaud celui que Ronaldo est allé enlacer longuement après la rencontre. A plusieurs reprises au cours de la saison, Buffon avait expliqué qu’il mettrait fin à sa carrière « si la Juve ne remporte pas la Ligue des champions ».

Lui qui a accumulé tant de titres ne soulèvera jamais la Coupe aux grandes oreilles. Elle qui échappe à la Juve depuis 1996, quand, emmenée par Alessandro Del Piero, la « Vieille Dame » avait vaincu l’Ajax d’Amsterdam (1-1, 2-4 ap. t.-a.-b.). Buffon évoluait alors encore à Parme. Depuis, les Bianconeri ont échoué à cinq reprises en finale. Face au Borussia Dortmund en 1997 (1-3), au Real Madrid en 1998 (0-1), au Milan AC en 2003 (0-0, 2-3 ap. t.-a.-b.), face au FC Barcelone en 2015 (1-3) et au Real Madrid l’an passé (1-4). Les trois dernières fois, « Gigi » était dans les cages. « On est tristes pour notre capitaine », a conclu Mehdi Benatia. Beaucoup de fans de foot le sont aussi.