Le président Emmanuel Macron lors de son interview dans une école de l’Orne, à Berd'huis, le 12 avril 2018. / Yoan Valat / AP

Emmanuel Macron l’avait martelé durant sa campagne : il voulait « libérer et protéger » les Français. Désormais, il veut aussi les « unir ». Alors que les mouvements de contestation sociale s’amplifient, à la SNCF comme à l’université ou dans les maisons de retraite, le chef de l’Etat s’est attelé, jeudi 12 avril sur TF1, à montrer qu’il entendait les critiques et surtout qu’il avait conscience des tensions provoquées par la politique de son gouvernement.

« Les murs de la maison, pour moi, c’est libérer, protéger et unir », a insisté Emmanuel Macron face aux questions de Jean-Pierre Pernaut, qui avait exceptionnellement délocalisé le plateau de son journal télévisé dans une classe de l’école primaire de Berd’huis (Orne), un petit village normand. Un triptyque inédit que l’ancien ministre a complété d’un « Je suis le président de tous les Français » répété à au moins trois reprises durant son entretien, tentative de faire un sort aux accusations de n’être que le « président des riches » ou « des villes ».

Méthodiquement, le président de la République a tenté par les mots de répondre aux « gens qui ont peur ». Les retraités ? « Je leur dis merci », a-t-il formulé à plusieurs reprises, moyen de les convaincre qu’il avait bien conscience des efforts demandés, avec notamment une hausse de la CSG pour 40 % d’entre eux. « J’ai fait appel à vous. J’ai besoin de vous ! », s’est-il même permis, assurant qu’il n’avait « pas de souverain mépris » pour les « anciens », comme l’accuse une partie de l’opposition. « Je n’ai jamais pris un retraité pour un portefeuille », a-t-il ajouté.

« On n’abandonne pas la ruralité »

Même calinothérapie pour les grévistes de la SNCF. « Je ne partage pas l’avis de ceux qui voudraient opposer les cheminots aux usagers. On ne doit pas opposer les uns aux autres », a insisté le président de la République. En creux, on pouvait y lire une critique de certains élus de la majorité ou membres du gouvernement, qui ont parfois accusé les salariés de la SNCF d’être des « privilégiés » adeptes de la « gréviculture ».

Emmanuel Macron a aussi tenté de répondre à ceux, comme le président des Républicains, Laurent Wauquiez, qui l’accusent d’avoir « la haine de la province ». « On n’abandonne pas du tout la ruralité, c’est pas vrai », s’est-il agacé, énumérant les mesures en faveur des écoles rurales, de la couverture téléphonique… Face à la fronde d’une partie des élus locaux, qui se plaignent d’une baisse de leur dotation de fonctionnement, le chef de l’Etat a répliqué qu’il était « faux de dire que des communes perdront de l’argent », rappelant que la DGF (dotation globale de fonctionnement) avait été gelée pour 2018 alors qu’elle avait systématiquement baissé depuis huit ans. « La France est un grand pays agricole et industriel », a aussi affirmé Emmanuel Macron, en écho au « labourage et pâturage [qui] sont les deux mamelles de la France » prononcé par Sully quatre cents ans plus tôt.

Du baume dans les mots, donc, mais pas dans les actes. Car, en réalité, très peu d’annonces ou de changements ressortent du discours du chef de l’Etat qui, sur l’essentiel, ne dévie pas. Emmanuel Macron a certes annoncé la suppression du « forfait social » sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés à compter du 1er janvier 2019. Il a également confirmé un plan de refonte à venir du système de santé. Quant à l’expérimentation dans certains territoires de la réduction de la vitesse à 80 km/h sur les petites routes, « si dans deux ans ça ne marche pas, on arrêtera partout », a-t-il prévenu.

En revanche, sur les dossiers qui concentrent l’essentiel des mécontentements actuels, aucune évolution n’est à prévoir. « On ira au bout dans le respect de chacun, dans la considération et sans que nul n’oppose les Français entre eux », a répondu le président de la République à propos de la réforme de la SNCF. Qu’importe la mobilisation des syndicats après dix jours de grève, Emmanuel Macron « les appelle plutôt au calme en leur disant que (…) la bonne réponse, ce n’est pas d’arrêter de faire la réforme, c’est de la faire ensemble ». Le chef de l’Etat s’est simplement engagé à reprendre « pour partie, progressivement », la dette de l’entreprise publique et pourquoi pas à « ouvrir d’autres » petites lignes de la SNCF, alors qu’il est au contraire accusé de vouloir les fermer.

Aucune indulgence pour les étudiants

Du côté des tensions dans les facultés, le chef de l’Etat a estimé que « très peu d’universités sont occupées » et rejeté la contestation sur quelques « professionnels du désordre ». Aucune indulgence donc à attendre de l’Etat pour les étudiants qui manifestent. « Ils doivent comprendre que, s’ils veulent avoir les examens en fin d’année, c’est mieux de les réviser parce qu’il n’y aura pas d’examen en chocolat dans la République », a prévenu Emmanuel Macron. Idem à Notre-Dame-des-Landes, où l’évacuation par la force des zadistes va continuer car « nos concitoyens sont en droit d’attendre l’ordre ».

Quant aux retraités, alors que certains parlementaires de La République en marche réclamaient le rétablissement de la demi-part pour les veuves, comme Sacha Houlié, le chef de l’Etat a écarté cette hypothèse : « Non, je pense que ce n’est pas la bonne chose. »

Ne rien lâcher sur le fond, mais tenter de mieux expliquer son action dans sa globalité, voici en somme le résumé de l’intervention présidentielle, un an ou presque après son élection. Si le style Macron s’arrondit aux angles, il reste inchangé au cœur. « Je demande [aux Français] de me faire confiance, j’ai prouvé que, quand je dis les choses, je les fais », a-t-il souligné, en demandant de la patience au pays. Une manière de laisser entendre qu’après le temps « des efforts » pourrait venir celui du réconfort et d’une éventuelle redistribution. Un quinquennat en deux temps, à l’image de celui promis aux Français par François Hollande en 2012 et qui n’était jamais véritablement advenu.