Sur les quelques sites universitaires bloqués, la question des examens commence à inquiéter. Les équipes administratives passent en revue les différentes options : délocaliser les examens, les repousser ou encore les substituer par des examens en ligne. Etat des lieux.

  • A Montpellier, le choix des examens en ligne critiqué

Après plus d’un jour d’interruption, le site internet de l’université Paul-Valéry était vendredi à nouveau accessible. Deux jours avant, les serveurs avaient été vandalisés. Les examens, organisés en ligne depuis une semaine, principalement via la plateforme Moodle, sont donc suspendus.

Le choix des examens en ligne avait été fait en mars, vu l’ampleur de la mobilisation. Si au départ, plusieurs options avaient été envisagées – délocalisation ou report des épreuves –, pour le président Patrick Gilli, les examens en ligne étaient la meilleure option : « Ce choix est drastique et inédit, mais il est guidé par la volonté de préserver le plus grand nombre ». Car, ajoute-t-il, « repousser les examens aurait pénalisé les étudiants qui ont besoin de remplir des dossiers en temps et en heure ».

Sur les calendriers d’examens mis en ligne, on retrouve plusieurs modalités différentes : examen sur la plateforme Moodle avec une heure butoir, envoi par mail ou encore oral au téléphone.

Vendredi 7 avril, deux syndicats étudiants, Sud éducation 34 et Solidaires étudiants, ont déposé un « recours gracieux » auprès de la présidence, lui demandant de revenir sur son choix, s’estimant « lésés par cette décision ». L’université Paul-Valéry a refusé. Les deux syndicats ont donc décidé de saisir le tribunal administratif lundi 9 avril. Cécile Alphon-Layre, du syndicat Solidaires étudiants, estime que cette décision a été prise dans la précipitation : « Normalement, on est prévenu au moins 15 jours à l’avance pour le lieu et l’heure des examens. Là, ça a été décidé très vite, ça demande de s’organiser dans l’urgence… ». Elle se dit persuadée que « le seul but de l’université c’est de détourner les étudiants, c’est pour ça qu’on demande un semestre à 10/20 améliorable ».

Pour Sophie Mazas, l’avocate du syndicat, la situation pose plusieurs problèmes. D’abord le calendrier des épreuves : quinze jours devraient s’écouler entre l’annonce des examens et la tenue de ceux-ci, affirme la juriste. Autre problème, l’anonymat des copies. « Ce n’est pas un principe de droit général, reconnaît l’avocate, mais c’est inscrit dans les modalités votées par le Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU). L’administration se doit donc de la respecter. » Le président affirme que l’anonymat pourra être garanti grâce à une solution trouvée par la direction informatique, qui permet d’anonymer la copie avec un alias.

Les deux syndicats estiment par ailleurs que des étudiants qui ne seraient pas équipés d’ordinateurs pour la connexion Internet sont de fait lesés. La présidence affirme avoir communiqué auprès des élèves une liste de lieux publics, où ils peuvent se rendre. « Le défi est celui de la continuité du service public, explique Patrick Gilli. Je refuse le délire d’un semestre blanc où tout le monde aurait 10. » Le tribunal administratif de Montpellier examinera le recours en audience lundi 16 avril, la décision devant être rendue dans les sept jours suivant.

  • A Paris-1, l’heure n’est pas encore aux examens, mais le numérique se fait une place

A l’université Panthéon-Sorbonne, dont certains sites sont paralysés depuis le 26 mars, la direction « souhaite que les examens aient lieu comme prévu et travaille à trouver des solutions ». Elle ne se prononce pas officiellement sur les modalités – pour le moment. Les examens devraient commencer au début du mois de mai.

Pour Bruno Dondero, professeur de droit qui fait des Facebook Live de ses cours depuis deux ans, le blocage a eu pour conséquence de « dynamiser l’enseignement » alors que quelques-uns de ses collègues l’ont sollicité pour continuer à donner leurs cours malgré le blocage. « Selon moi c’est un service à rendre à l’étudiant que de permettre l’accès aux cours malgré la situation à l’heure actuelle, estime-t-il. Pour un cours magistral, ce n’est vraiment pas compliqué à mettre en place. »

Quant à la tenue d’examens en ligne, l’enseignant estime que d’autres solutions peuvent être trouvées, comme le recours à des centres d’examens par exemple. « Pendant une épreuve en ligne, qu’est-ce qui empêche les étudiants de se réunir et de tricher ou de consulter Internet ?, observe-t-il. On peut éventuellement donner des sujets différents à chaque élève ou alors faire un entretien oral via Skype où on se rendrait bien compte si quelqu’un soufflait des réponses… »

  • Toulouse Jean-Jaurès, première université à repousser les examens

L’université toulousaine Jean-Jaurès, où les cours sont suspendus depuis cinq semaines suite à une mobilisation qui ne concerne pas que la loi ORE, mais également d’autres problématiques propres à l’université, a décidé de repousser les examens à la première quinzaine de juin.

« Il faut impérativement trouver solution à la rentrée des vacances de printemps [Le 30 avril ndlr] tout simplement parce qu’il faut organiser les cours et les examens. Nous envisagerons tous les possibles à la rentrée prochaine », a déclaré l’administrateur provisoire Richard Laganier, dans un entretien à France Bleu Occitanie mercredi 11 avril.

Florence Mouchet, ancienne vice-présidente du conseil d’administration sous l’ancien président Daniel Lacroix, explique que le report des examens pourrait permettre la tenue de nouveau cours au début du mois de mai, à la condition que le blocage soit levé lors de la prochaine assemblée générale prévue le 30 avril.

« C’est une catastrophe, tranche Hervé Petit du syndicat SNESUP-FSU. Les étudiants, notamment en troisième année de licence ou en première année de master qui doivent constituer des dossiers en ce moment même sont vraiment pénalisés par cette décision. Ils doivent se procurer leurs relevés de notes, leurs conventions de stage, et d’autres documents qu’il est pour le moment impossible de fournir du fait de la paralysie de la fac. »

  • Rennes-2, la présidence toujours en réflexion à deux jours du début des examens

L’université de Rennes-2, bloquée très récemment fait face à une certaine urgence alors que les premiers examens doivent débuter lundi, notamment pour les étudiants à distance qui doivent être présents physiquement pour les épreuves. L’administration est en train « d’étudier toutes les solutions possibles pour assurer la mise en place des épreuves ».

Interrogé par France Bleu Armorique, le président estime que son université est « soumise au vote de l’assemblée générale, c’est une réalité : la dernière a été suivie avec une augmentation d’effectifs. Je veux bien organiser un vote électronique, mais si une AG décide de bloquer l’université, elle le fera, peu importe le résultat du vote électronique. Une assemblée générale se considère comme souveraine ».

Et d’ajouter qu’aux vues des circonstances, l’université étant bloquée, il lui est impossible d’organiser un vote électronique, malgré les réclamations d’étudiants opposés au blocage.