Quelques heures après les frappes menées contre des capacités syriennes de production d’armes chimiques, une large part de l’opposition française critiquait, samedi 14 avril, la décision de l’exécutif d’intervenir en Syrie sans mandat de l’ONU, aux côtés de Washington et Londres. Cette intervention est une réponse à l’attaque chimique présumée attribuée au régime de Bachar Al-Assad, qui a fait des dizaines de morts le 7 avril dans la ville de Douma, dans la Ghouta orientale.

« L’action qui a été conduite par nos forces armées est légitime, a justifié samedi le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, elle vise à mettre un terme à une atteinte grave au droit, elle est circonscrite à des objectifs précis : la destruction des capacités chimiques du régime syrien afin de l’empêcher de commettre de nouveaux carnages chimiques ».

« Sans preuves et sans mandat de l’ONU »

Chez Les Républicains, Bruno Retailleau, président du groupe au Sénat, a estimé qu’« ajouter la guerre à la guerre n’a jamais fait avancer la paix » :

« Cette démonstration de force ponctuelle risque d’alimenter le terrorisme. Elle nourrit l’idée que l’Occident est hostile au monde arabe. Ces frappes affaiblissent notre diplomatie. La voix de la France n’est forte que si elle est singulière, elle n’est utile que si elle privilégie le dialogue. Emmanuel Macron aligne la diplomatie de la France sur celle de Donald Trump ; c’est une erreur et les leçons du passé et de nos échecs au Moyen Orient semblent déjà oubliées. »

Julien Aubert, député LR, a jugé sur Twitter que « pour la première fois de son histoire », en bombardant sans l’aval du conseil de sécurité des Nations unies un pays souverain, la France n’était « pas du côté du droit » et « détruisait le système légal » de l’ONU.

Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France Insoumise, a lui aussi dénoncé l’absence de mandat de l’ONU : « Les frappes contre la Syrie se font sans preuve, sans mandat de l’ONU et contre elle, sans accord européen et sans vote du Parlement français », a souligné le député des Bouches-du-Rhône. « C’est une aventure de revanche nord-américaine, une escalade irresponsable », a-t-il dénoncé, jugeant que « la France mérite mieux que ce rôle ». « Elle doit être la force de l’ordre international et de la paix », a estimé M. Mélenchon.

Pour l’ancien candidat anti-capitaliste à la présidentielle Olivier Besancenot, cette intervention sert à faire oublier la situation sociale en France :

« Là-bas, les frappes ne règlent rien, si ce n’est quelques factures impérialistes. Elles aggravent la situation. Ici, la guerre occupe les écrans et les esprits, comme un rideau de fumée qui voudrait étouffer la situation sociale. »

Marine Le Pen, présidente du Front national (FN), a aussi jugé qu’avec ces frappes, la France avait perdu « une occasion d’apparaître sur la scène internationale comme une puissance indépendante » :

« Ces frappes contre la Syrie nous engagent dans une voie aux conséquences imprévisibles et potentiellement dramatiques. »

Florian Philippot, président des Patriotes, a comparé Emmanuel Macron à l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, qui avait suivi les Etats-Unis dans la guerre en Irak, parlant du « président Macron qui est de plus en plus à Donald Trump ce que Tony Blair était à Georges W. Bush ».

Centre et gauche saluent l’intervention

Voix discordante à droite, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, a salué l’action coordonnée en Syrie comme une « réponse juste de la France et de ses alliés à l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien ».

Les socialistes, par la voix de leur premier secrétaire Olivier Faure, ont également cautionné les frappes :

« Les attaques chimiques répétées du régime de Damas contre son peuple imposaient une réaction. Le silence des nations ouvrirait une jurisprudence criminelle donnant dans les faits la possibilité de violer les conventions internationales sur l’utilisation d’armes chimiques ».

Pour l’ancien président de la République François Hollande, les frappes sont « justifiées » mais doivent être suivies d’une « pression diplomatique et politique » sur Moscou et Téhéran, a-t-il expliqué dans un entretien au journal La Montagne.

Sans surprise, les ténors du centre ont applaudi l’intervention française. Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI a souligné « l’honneur de la France d’être à la hauteur du rôle singulier et historique qui est le sien et d’avoir pris l’initiative, au côté des démocraties américaine et britannique, d’exercer des frappes aériennes ciblées sur l’arsenal chimique syrien. Nos compatriotes doivent comprendre que l’objectif prioritaire de la France en Syrie qui demeure l’éradication définitive de Daech ne s’oppose pas à notre devoir international de protéger les populations civiles ».

Christophe Castaner, délégué général de La République en marche (LRM), a rappelé que l’utilisation d’armes chimiques contre les civils, c’était « la ligne rouge » :

« Le régime d’Al-Assad l’a franchie. La France ne pouvait se tenir aveugle et muette face à cette barbarie. Les frappes en Syrie menées cette nuit sont nécessaires et salvatrices pour le peuple syrien ».