Edinson Cavani, Javier Pastore et Giovani Lo Celso célèbrent leur victoire en Coupede la ligue, le 31 mars, face à Monaco, à Bordeaux. / LAHALLE PIERRE / PRESSE SPORTS

L’émir du Qatar, Tamin Ben Hamad Al-Thani, a tranché : l’Allemand Thomas Tuchel, 44 ans, va succéder sur le banc du Paris-Saint-Germain à l’Espagnol Unai Emery, dont le contrat expire le 30 juin. Le souverain et propriétaire du club de la capitale s’est donc empressé de reprendre la main après l’élimination du PSG par le Real Madrid en huitièmes de finale de Ligue des champions. Cet énième fiasco sur la scène européenne l’a ainsi poussé à lancer une phase de grands travaux.

Cette « réorganisation » a été logiquement lancée par le recrutement d’un nouvel entraîneur, censé enfin perforer le plafond de verre qui circonscrit les visées continentales de l’équipe depuis son rachat, en 2011, par le fonds Qatar Sports Investments (QSI). Alors que le PSG pourrait remporter le septième titre de champion de France de son histoire au terme de son duel face à son dauphin monégasque, dimanche 15 avril, l’arrivée de Thomas Tuchel à Paris devrait être officialisée en fin de saison. D’autant que le PSG vise un quadruplé sur la scène nationale et tentera, le 18 avril, sur la pelouse de Caen, de se qualifier pour la finale de la Coupe de France.

CV modeste

L’enrôlement par QSI de l’ex-coach de Mayence (2009-2014) et du Borussia Dortmund (2015-2017) interpelle. Selon L’Equipe, le nom de Thomas Tuchel aurait été glissé à l’oreille du frère cadet de l’émir par le consul du Qatar en Allemagne. Avec son CV modeste, son maigre palmarès (un titre en Coupe d’Allemagne, en 2017) et son profil d’ancien joueur de deuxième division allemande, Tuchel est aux antipodes des « références » de la profession (Antonio Conte, Mauricio Pochettino, André Villas-Boas) un temps convoitées par les dignitaires de Doha.

Les hiérarques de l’émirat avaient d’ailleurs vainement tenté d’attirer dans leurs filets son compatriote Joachim Löw, éternel sélectionneur de la Nationalmannschaft, et qui remettra cet été son titre mondial en jeu en Russie. Loin de souffrir de la comparaison avec son illustre aîné, Thomas Tuchel a réussi haut la main son entretien d’embauche dans la capitale qatarie. Tamim Al-Thani et le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, semblent avoir été sensibles à sa philosophie de jeu spectaculaire et à sa capacité à s’adapter au schéma tactique de l’adversaire. Et peu importe si l’intéressé n’a jamais emmené ses joueurs au-delà d’un quart de finale de Coupe d’Europe.

Visage juvénile et allure décontractée, Tuchel passe pour un coach à poigne, enclin à appuyer sur la corde sensible pour rasséréner ses troupes. Son tempérament volcanique pose question. Tout comme son inexpérience en matière de gestion d’ego démesurés. Parviendra-t-il à gagner l’estime et le respect de stars de la trempe d’un Neymar, véritable diva du vestiaire parisien ?

Tout proche de s’engager pour deux saisons (avec une troisième en option) au PSG, l’Allemand doit y poser ses valises avec le staff qui le seconde depuis une décennie. Communicant hors pair, épris de littérature, Tuchel sort d’une année sabbatique après son licenciement – pour divergences d’opinions – par le Borussia Dortmund, en mai 2017. Son éviction était directement liée à son regret de rejouer dès le lendemain de l’attentat qui a ciblé le bus de son équipe, le 11 avril 2017, à quelques heures de son match à domicile face à Monaco, en quarts de finale aller de Ligue des champions.

Lié à aucun agent influent

En conférence de presse, Tuchel s’en était vertement pris à ses dirigeants et à l’Union des associations européennes de football (UEFA). « Nous aurions aimé avoir plus de temps pour digérer tout cela. Nous nous sommes sentis ignorés. On ne nous a pas demandé notre avis, avait fulminé le quadragénaire. Quelques minutes après l’attaque, on nous a dit qu’on devrait jouer, comme si on nous avait envoyé une canette de bière contre le bus. »

Soucieux de protéger son effectif, Tuchel se démarque aussi en ce qui concerne la gestion de ses intérêts : il n’est lié à aucun agent influent. Une caractéristique qui détonne dans la mesure où le Portugais Jorge Mendes, numéro un de la profession, et l’impresario israélien Pini Zahavi (à l’origine de la venue de Neymar contre la somme record de 222 millions d’euros) régissent les opérations du PSG sur le marché des transferts.

L’Allemand est ainsi représenté au quotidien par son compatriote Olaf Meinking, juriste spécialisé dans les médias, le sport, l’industrie du divertissement, et surtout la musique. Ce dernier s’occupe notamment de la carrière du rappeur thuringeois Clueso et de la chanteuse Annett Louisan. Selon L’Equipe, l’enrôlement de Tuchel aurait d’ailleurs fragilisé le directeur sportif du PSG, le Portugais Antero Henrique, homme de réseaux proche de Mendes et de Zahavi, et farouchement opposé à sa venue. Une information qu’une source parisienne, contactée par Le Monde, dément catégoriquement.

Le recrutement du cinquième entraîneur de l’ère QSI et successeur d’Antoine Kombouaré (2009-2011), Carlo Ancelotti (2012-2013), Laurent Blanc (2013-2016) et Unai Emery (2016-2018) intervient alors que l’état-major du club est chamboulé. Au début d’avril, deux nominations ont été annoncées par le club : celles de Michel Besnard, ancien patron du groupe de sécurité de la présidence de la République sous Nicolas Sarkozy, au poste stratégique de directeur de la sécurité du PSG, et de Marc Armstrong, ex-cadre de la NBA, comme directeur du sponsoring.

En marge de ces grands travaux, les dirigeants parisiens gardent un œil sur l’enquête diligentée par l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) dans le cadre du fair-play financier (FPF), ce mécanisme lancé par l’UEFA et en vertu duquel les équipes européennes ne peuvent dépenser plus qu’elles ne gagnent sous peine de sanction. L’ICFC a ainsi fait estimer les contrats de sponsoring du PSG par un cabinet indépendant.

Il s’avère que ces contrats, passés avec des entreprises qataries, ont été surévalués de manière significative par rapport aux prix du marché. Selon nos informations, l’accord scellé avec l’Autorité du tourisme du Qatar (QTA) interpelle les experts du FPF. En 2014, le précédent partenariat avec QTA (200 millions d’euros) avait été décoté de moitié par l’UEFA et le PSG avait été sanctionné. « C’est une récidive », confie au Monde une source proche de l’enquête de l’ICFC. Une information que le club dément. Le PSG connaîtra sa sanction éventuelle en juin. Thomas Tuchel sera alors assis sur le banc du PSG.