Le chef de file du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, le 12 avril à Rome. / Giuseppe Lami / AP

Même là-dessus, ils ne sont pas arrivés à se mettre d’accord. Quelques heures à peine après l’annonce des frappes aériennes sur la Syrie, décidées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, dans la nuit de vendredi 13 à samedi 14 avril, les dirigeants politiques de la droite italienne ont affiché une fois de plus au grand jour leur désunion et la profondeur de leurs divergences en matière de politique internationale.

Premier à réagir, le chef de file de la Ligue, Matteo Salvini, dénonçait dès samedi matin sur Twitter, en termes fort peu diplomatiques, ces frappes aériennes : « Nous cherchons encore les armes chimiques de Saddam Hussein, nous payons encore pour la folle guerre de Libye, et un individu à la gâchette facile persévère avec des missiles intelligents, aidant par la même occasion des islamistes presque défaits… c’est de la folie, arrêtez-vous ! »

Venant d’un dirigeant qui n’a jamais caché son refus des sanctions contre la Russie et plus généralement sa sympathie pour le régime de Vladimir Poutine, la déclaration n’est pas franchement surprenante. Mais voilà, depuis le 4 mars, Matteo Salvini a changé de statut. Devenu, à la faveur de ses 17 % des suffrages, l’homme fort de la droite et son prétendant officiel à la charge de président du Conseil, Matteo Salvini s’exprime désormais en tant que potentiel premier ministre, ce qui change forcément le poids de ses paroles.

« Médiation »

Quelques heures plus tard, son principal partenaire au sein de la coalition, l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi, faisait entendre une musique très différente, dans une tribune publiée dans le Corriere della Sera, où, sans condamner ouvertement la Russie, il réaffirme sa solidarité avec les principales puissances occidentales. Dans le même temps, il appelle l’Italie à se doter d’un gouvernement menant « une médiation entre les Etats-Unis, Moscou et l’Union européenne ». Matteo Salvini pourrait-il être l’homme d’une telle position diplomatique ? Rien n’est moins sûr.

Allié – en théorie – avec la Ligue de Matteo Salvini, très hostile à l’atlantisme traditionnel de la diplomatie italienne, le président de Forza Italia reste, lui, en ligne avec la position du président du Conseil Paolo Gentiloni, qui n’a pas souhaité se joindre à l’initiative menée par les Etats-Unis, laquelle « ne peut pas et ne doit pas conduire à une escalade », tout en réaffirmant sa solidarité de principe avec Washington.

Changement d’époque au Mouvement 5 étoiles

Le plus étonnant, finalement, est peut-être l’attitude du Mouvement 5 étoiles (M5S), autre grand vainqueur des élections italiennes, qui par le passé n’avait pas manqué de dénoncer l’alignement de l’Italie sur les Etats-Unis et son asservissement à l’OTAN. Fidèle à la stratégie d’« institutionnalisation » du mouvement, qu’il mène depuis plusieurs mois, le chef de file de la formation, Luigi Di Maio, a adopté une ligne similaire en tout point avec celle du gouvernement de centre gauche, dont la diplomatie était encore, il y a quelques mois encore, accusée de tous les maux.

Ce faisant, il confirmait le changement d’époque qu’il entend incarner, après des années d’opposition systématique. Dans le même temps, il donne plus d’arguments au front grandissant de ceux qui, à gauche, appellent à une alliance entre le PD et le M5S, pour conjurer le péril Salvini.