Edinson Cavani et Angel Di Maria ont remporté le septième titre de champion du Paris Saint-Germain sans réelle opposition. / Thibault Camus / AP

Chronique. Deux stades, deux ambiances. Un Vélodrome volcanique, jeudi soir, pour accompagner la qualification de l’Olympique de Marseille en demi-finale de Ligue Europa. Un Parc des Princes plein mais qui sonnait creux hier soir pour assister au sacre du Paris Saint-Germain en Ligue 1, malgré une fracassante victoire 7 à 1 contre le tenant du titre monégasque.

Prévenons d’emblée : il ne s’agit pas de comparer la ferveur des supporters des deux clubs, même s’il est tentant pour certains de brandir leurs doubles décimètres. Cette drôle d’ambiance pour une telle rencontre résulte d’une opération « tribune morte » du Collectif ultras Paris, très suivie, pour protester contre la fermeture de sa tribune (sanction de la Ligue après l’allumage de fumigènes).

Pour la gloire, il manquait autre chose que les ultras

Alors que le retour de ces ultras, en début de saison précédente, avait redonné à l’enceinte de la porte de Saint-Cloud beaucoup de son impact sonore, leur silence a rendu audibles des chants aussi éculés que « Et 1, et 2, et 3-0 ». « À vaincre sans ultras, on triomphe sans gloire », affirmait une banderole du CUP, à l’extérieur du stade. Le collectif aurait donné à l’événement un autre écho, mais pour la gloire, il manquait de toute façon autre chose.

Décimée cet été par sa propre politique de « trading de joueurs », l’AS Monaco, qui avait brillamment interrompu la domination parisienne la saison passée, n’a jamais semblé en mesure de mener la lutte. À l’issue de cette 33e journée, elle est distancée de 17 points par un club qui lui a infligé quatre revers cette saison. Son titre de l’an passé tient de l’exception qui confirme la suprématie économique et sportive du club de la capitale.

Remporter le championnat étant un objectif contractuel pour le PSG, son atteinte perd son caractère d’exploit. Cela revient à minorer injustement le mérite des joueurs et de l’entraîneur, mais le succès sportif a en partie la valeur de l’adversité. On avait déjà ressenti cette banalisation de la victoire quand l’Olympique lyonnais des années 2000 remportait ses titres de plus en plus largement – encore était-il loin de bénéficier des mêmes écarts de puissance financière.

Les vertus de la Ligue Europa

La véritable saison sportive des Parisiens s’est achevée prématurément sur une nouvelle désillusion en Ligue des champions. Ce grand écart explique l’inconfort de la position du PSG, dont la razzia sur les trophées nationaux et ses écrasantes statistiques domestiques ne peuvent compenser la stagnation sur la scène européenne.

La semaine dernière, on s’est justement souvenu de la seconde scène européenne, de moindre lustre mais dotée de ses propres vertus. Affligée dès sa création en 2009 de poules dénaturant l’esprit de la coupe, dévaluée par la priorité absolue accordée par l’UEFA à la Ligue des champions, sous-dotée et peu rentable, la Ligue Europa a un statut de parent pauvre. Elle a pourtant fait le bonheur de clubs anglais et espagnols, tandis que les clubs français, malgré la minceur de leur palmarès continental, la snobaient inexplicablement.

Après l’Olympique lyonnais la saison dernière, l’Olympique de Marseille a cependant rejoint les demi-finales de la Ligue Europa, au cours d’une rencontre folle qui a rappelé ce que pouvait être un match de coupe d’Europe à élimination directe. Encore doit-on relever que cette « épopée » est passée par un OM-Konyaspor (Turquie) à 8 649 spectateurs en septembre…

Quel spectacle sans compétition ?

Ces paradoxes montrent que rien ne remplace l’enjeu sportif pour susciter la passion. Ce n’est donc pas une question de clubs mais de compétitions : leur intérêt réside essentiellement dans leur capacité à préserver leur équilibre compétitif, l’incertitude du résultat, à proposer des rivalités équitables, à ne pas se galvauder dans des formules multipliant les rencontres sans réel enjeu.

Cette saison, parmi les cinq grands championnats européens, seule la Serie A italienne n’a pas désigné très tôt son vainqueur. La Ligue des champions, dont la phase de groupe ressemble pour les gros clubs à des séries de matches exhibitions, ne retrouve de l’intérêt que lorsque ces mêmes gros clubs se retrouvent, entre eux, dans les tours à élimination directe.

Entre des compétitions nationales déséquilibrées et une Ligue des champions réservée, la Ligue Europa, plus ouverte, retrouve alors à la fois du charme et du prestige malgré ses handicaps. Les pouvoirs sportifs devraient s’inquiéter de ce qui manque au grand show du football d’élite, aussi séduisant et puissant soit-il devenu en tant que divertissement : le frisson de la compétition.

Jérôme Latta