TV – « Vienne avant la nuit »
TV – « Vienne avant la nuit »
Par Alain Constant
A voir aussi ce soir. Sur les traces de son grand-père, Robert Bober propose une traversée dans l’histoire contemporaine de la capitale autrichienne (sur Arte à 00 h 25).
Vienne avant la nuit, de Robert Bober, bande annonce
Durée : 01:55
Musique de Schubert en fond sonore, Vienne s’offre entre ombres et lumières. Le décor est planté, avec des endroits attendus (la Grande Roue du Prater, la place des Héros, le Café Central) et d’autres qui le sont moins, comme ce grand cimetière déserté par les humains mais où des biches viennent jouer près des tombes. Pour Robert Bober, né en 1931, c’est un émouvant voyage qui débute. Ecrivain, documentariste (on lui doit notamment Récits d’Ellis Island, coréalisé avec Georges Perec, 1980), Robert Bober est à Vienne pour retrouver la trace d’un homme qu’il n’a jamais connu mais qui ne cesse de le hanter.
Né en Pologne en 1853 et mort à Vienne en 1929, Wolf Leïb Fränkel était son arrière-grand-père maternel, ferblantier de métier et père de onze enfants. De lui, il a gardé deux chandeliers et retrouvé des photos. En retraçant sa vie, en nous plongeant dans cette quête identitaire nourrie de nombreux extraits littéraires (Joseph Roth, Thomas Bernhard, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Paul Celan…), Robert Bober réalise un documentaire poignant, oscillant entre nostalgie, tendresse et tristesse. « Obliger les morts à être encore présents ! », comme le dit la voix off.
Temps troublés
Wolf Leïb Fränkel, la cinquantaine venue, quitte l’Europe pour l’Amérique. Mais refoulé à Ellis Island, il est contraint de regagner le Vieux Continent. Il s’installe alors à Vienne, dans le quartier juif de Leopoldstadt. A travers son destin, Robert Bober en rappelle d’autres, ceux d’écrivains ou de dramaturges juifs qui connurent Vienne en des temps souvent troublés.
« Si je suis venu à Vienne, ce n’est pas seulement pour retrouver la tombe de mon arrière-grand-père. Mais aussi parce que le passé à besoin de notre mémoire, les morts de notre fidélité », souligne-t-il. La Vienne impériale, juive, nationale-socialiste, la Vienne des temps troublés et des oublis, tout est évoqué. Après de longues recherches dans les allées silencieuses du grand cimetière, Robert Bober va trouver ce qu’il était venu chercher. Sur la tombe de l’arrière grand-père, entourée de lierre, on peut lire une inscription : « Que son âme soit reliée au faisceau de la vie ». Pas de tombe en revanche pour son épouse et ses onze enfants, morts en Pologne.
Vienne avant la nuit, de Robert Bober (Fr.-Aut., 2016, 74 min).