Les manifestants ont fait face à un important dispositif policier à Erevan, lundi 16 et mardi 17 avril. / KAREN MINASYAN / AFP

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté mardi 17 avril en Arménie contre l’ancien président Serge Sarkissian, élu premier ministre avec des pouvoirs renforcés par le Parlement après dix ans à la tête de l’Etat.

A l’appel du leader de l’opposition et député Nikol Pachinian, les manifestants se sont réunis sur la place de la République, lieu très prisé des touristes, en plein centre de la capitale, Erevan. Brandissant des drapeaux arméniens, ils scandaient : « L’Arménie sans Serge ! » M. Pachinian a fait état de la présence de « dizaines de milliers de protestataires », en s’adressant aux manifestants.

Une cinquantaine de blessés

« Sarkissian manque de légitimité et s’est attiré la haine des Arméniens », a-t-il lancé, après avoir annoncé « le début d’une révolution pacifique de velours », et appelé à « paralyser le fonctionnement de toutes les agences gouvernementales ».

Les manifestants ont défilé dans la matinée à travers la ville et bloqué l’accès au ministère des affaires étrangères, au service des impôts et à la Banque centrale, au centre de la capitale, secouée depuis cinq jours par le mouvement de protestation. Selon la police d’Erevan, 80 personnes ont été brièvement interpellées lors des protestations dans la journée. La manifestation a été suivie par des affrontements avec la police qui ont fait 46 blessés, parmi lesquels M. Pachinian et des policiers.

« Nous ne devons pas permettre que l’Arménie se transforme en un pays autocratique où la même personne reste au pouvoir pour une période indéfinie », a déclaré un manifestant, Karen Mirzoïan, étudiant de 23 ans, à l’Agence France-Presse (AFP). Lundi, des milliers de manifestants avaient défilé à Erevan, et bloqué les principales rues de la capitale en s’allongeant sur la chaussée.

Serge Sarkissian lors d’une séance du Parlement, en avril 2018. / KAREN MINASYAN / AFP

L’exécutif aux mains du premier ministre

M. Sarkissian, 63 ans, a été élu premier ministre mardi, après que sa candidature proposée par le Parti républicain au pouvoir a été soutenue par 77 députés. Seuls 17 ont voté contre.

« Pour vivre dans une Arménie prospère, dans un pays où la loi règne, il faut que les volcans dormants ne soient pas en éruption. Et les volcans ne sont pas en éruption si on ne les incite pas à le faire », a déclaré M. Sarkissian devant les députés avant le vote.

Alors qu’il vient d’achever son second et dernier mandat présidentiel, M. Sarkissian revient pratiquement au pouvoir dans un pays où le président exerce désormais des fonctions largement protocolaires, depuis la réforme constitutionnelle de 2015 qui a transformé l’Arménie en république parlementaire, où le pouvoir exécutif réel est entre les mains du premier ministre.

L’opposition affirme que cette réforme avait pour unique but de maintenir au pouvoir Serge Sarkissian, un ancien officier de l’armée qui occupait le poste de président depuis 2008 après avoir déjà été premier ministre en 2007-2008. « Sarkissian veut rester au pouvoir éternellement », a assuré à l’AFP le leader du parti d’opposition Héritage, Raffi Hovannissian.

Il y a dix ans, la victoire de M. Sarkissian à la présidentielle avait déjà provoqué des affrontements à Erevan entre policiers et partisans du candidat malheureux de l’opposition. Dix personnes avaient été tuées.