« Woop woop ! » Les internautes kényans sont fiers que l’amour anti-conformiste made in Kenya soit représenté au 71e Festival de Cannes. Rafiki, de la réalisatrice kényane Wanuri Kahiu, est en effet retenu dans la sélection Un certain regard – connue pour présenter des films atypiques ou de réalisateurs encore peu connus.

« Je suis vraiment enthousiaste ! Nous l’avons fait ! Mon nouveau film Rafiki est le premier long-métrage kényan à être invité au Festival de Cannes. Félicitez avec moi les acteurs et l’équipe kényane ! Quel exploit incroyable ! »

« Le film kényan qui marque l’histoire en France »

Le premier film kényan jamais sélectionné à Cannes est une histoire d’amour lesbien en Afrique. Rafiki, c’est l’histoire de Kena et Ziki, deux jeunes femmes qui se croisent, deviennent amies et tombent amoureuses l’une de l’autre. Deux jeunes femmes qui doivent lutter contre leurs parents et leurs voisins homophobes. A Nairobi, capitale jeune et pleine de vie du Kenya, les gentilles filles kényanes doivent malgré tout devenir de gentilles épouses kényanes. Rafiki, ce sont deux héroïnes qui ont très envie d’autre chose et seront pour cela forcées de choisir entre le bonheur et la sécurité. Entre ce qu’elles ressentent et ce que les autres exigent d’elles.

Ce film kényan, qui entre ainsi dans l’histoire par le biais du Festival de Cannes, est inspiré du livre Jambula Tree, une histoire d’amour entre deux filles ougandaises, écrite par Monica Arac de Nyeko et récompensée par le prix Caine 2007 (prix littéraire qui récompense des œuvres africaines).

« Ce film politiquement opportun, #Rafiki, célèbre l’amour et interroge : est-il plus sûr d’être invisible ou mieux vaut-il défier les règles conservatrices, pour découvrir votre identité et votre destin à travers l’amour ? #AKenyanFirst. »

Le travail de Wanuri Kahiu est déjà reconnu internationalement, puisqu’en 2010, son court-métrage Pumzi fut projeté au Festival du film de Sundance (Utah), l’un des principaux festivals du cinéma indépendant. Mais Rafiki, ce mélange de luttes qui donne le pouvoir au rêve et à l’amour, l’a revêtue à nouveau d’un costume de superstar aux yeux des internautes kényans. « Yes we Cannes » : elle n’est pas la première à l’avoir dit, mais avec son long-métrage, la réalisatrice pousse les lourdes portes de l’intersectionnalité, et de la représentation de l’homosexualité là où l’homophobie est violente. Elle rejoint aussi cinq autres réalisatrices, sélectionnées dans Un certain regard en 2018, où la parité femmes-hommes peine toujours à exister. Le travail acharné de Wanuri Kahiu a payé et mis les internautes kényans en émoi, « plus heureux que jamais », pour certains.

Dans ses notes versées à son synopsis en ligne, Wanuri Kahiu brandit « l’urgence et la nécessité » qu’il y avait à faire ce film, à la lumière de l’épreuve qu’ont représentée l’écriture et la production de son film « dans un climat anti-LGBT terrifiant [notamment en Ouganda, pays voisin dans lequel la communauté gay doit faire face à un projet de loi nommé “Tuons les gays”] ». Rafiki, c’est « la beauté et la difficulté de l’amour, des moments précieux pendant lesquels on s’élève au-delà de nos préjugés ». Et pour faire ce film en Afrique et sur l’Afrique, il a aussi fallu « bousculer le cynisme profondément ancré dans la société concernant l’homosexualité à la fois auprès des acteurs, de l’équipe, de mes amis et de ma famille », explique la réalisatrice.

« Notre film kényan va à Cannes ! Tellement fière du travail effectué sur #RafikiMovie au cours des sept dernières années. »

A l’image de la citation (traduite de l’anglais) du poète Reuben Holmes, « il y a des femmes qui craignent le feu, et d’autres qui deviennent le feu », Wanuri Kahiu promet que l’on peut lui faire confiance pour recouvrir avec ardeur le tapis rouge cannois, de tout son cœur kényan.