La Française Djamila Boutoutaou, le 17 avril, à la Cour pénale centrale de Bagdad (Irak). / AMMAR KARIM / AFP

Une Française de 29 ans, Djamila Boutoutaou, a été condamnée en Irak à la prison à perpétuité, mardi 17 avril, pour appartenance au groupe Etat islamique (EI). Devant la Cour pénale centrale de Bagdad, où elle comparaissait sans ses avocats français, la jeune femme a affirmé avoir été dupée par son mari qui exerçait une forte emprise sur elle.

Avant de commencer son interrogatoire, le juge a demandé à la jeune femme si elle était assistée d’un avocat. Djamila Boutoutaou a alors brandi une lettre présentée comme celle « d’un avocat français nommé Martin Pradel transmise par [sa] mère », rapporte l’Agence France-Presse (AFP). Son avocat n’étant pas présent, le juge a assigné un avocat commis d’office.

Contacté par Le Monde, Me Martin Pradel a fait part de sa grande surprise d’apprendre la condamnation de sa cliente par voie de presse : « Nous avons alerté à de multiples reprises les autorités françaises sur son cas, en vain. Dimanche, pour la première fois, elle a pu recevoir une visite du consulat à Bagdad. Et ce matin encore, le Quai d’Orsay a assuré à sa famille que le procès n’était pas pour tout de suite. Elle était condamnée quelques heures après sans avoir pu être défendue. C’est lamentable. »

« C’est mon mari qui m’a obligée »

Dans un communiqué de presse diffusé mardi, Mes Martin Pradel et William Bourdon, qui représentent la jeune femme, dénoncent une condamnation « inacceptable » et un « mépris évident des principes fondamentaux d’un procès équitable, dont le respect n’a pas voulu être obtenu par les autorités françaises ». Ils appellent Paris à exiger des autorités irakiennes le respect de ces principes « dans le cadre de la procédure d’appel qui devrait s’imposer », ainsi que le rapatriement de Djamila Boutoutaou et de son enfant en bas âge « détenu avec elle ».

Devant le tribunal, l’avocat commis d’office, qui ne connaissait pas le dossier, a plaidé la clémence, assurant que Djamila Boutoutaou avait été forcée par son mari de rejoindre l’EI.

« As-tu rejoint l’EI avec ton mari Mohammed Nassereddine et tes deux enfants ? », lui a demandé le juge. « C’est mon mari qui m’a obligée », a répété à plusieurs reprises la jeune femme, qui comparaissait vêtue d’une tunique rose et d’un foulard marron.

Djamila Boutoutaou a expliqué qu’après avoir passé dix mois en Irak, son mari était mort près de Mossoul. Des voisins l’auraient alors emmenée à Tal-Afar, à mi-chemin de la frontière syrienne. Elle se serait alors rendue avec la femme de son voisin aux combattants kurdes qui tenaient alors la zone. En pleurs, elle a expliqué avoir été retenue dans un camp avec d’autres femmes et enfants de djihadistes : « C’est comme si j’avais passé deux ans en prison, dix mois chez l’EI puis plus d’un an en prison », raconte l’AFP.

Près de 300 femmes condamnées

Lors de la même audience, deux femmes russes, âgées d’une vingtaine d’années, tenant chacune un nourrisson dans les bras, vêtues d’une veste rose sur une robe noire et coiffées d’un foulard de la même couleur, ont également été condamnées à une peine de réclusion à perpétuité, ainsi que deux Kirghizes. Cinq Azéries ont, elles, été condamnées à mort. Et, pour la première fois mardi, une ressortissante de Trinité-et-Tobago a été condamnée à la prison à perpétuité.

Djamila Boutoutaou est la seconde Française à être jugée en Irak. La djihadiste française Mélina Boughedir, 27 ans, arrêtée en pleine bataille de Mossoul, en juillet 2017, avait été condamnée en première instance, le 19 février, à sept mois de prison ferme pour simple « entrée irrégulière » sur le territoire irakien. Aucune charge pour terrorisme ou appartenance à une organisation terroriste n’avait été retenue contre elle par le juge. Cette peine couvrait sa période de détention provisoire.

Mais, contre toute attente, le parquet irakien a fait appel. Et le 29 mars, la Cour de cassation irakienne, a rendu un arrêt dans lequel elle demande à ce que la jeune femme soit à nouveau jugée « sur la base d’une incrimination élargie », a confirmé au Monde une source proche du dossier. La jeune mère de quatre enfants en bas âge – dont trois ont depuis été rapatriés en France – devra bien affronter un procès pour terrorisme, en Irak.

Depuis janvier, 97 femmes ont été condamnées à mort, 185 à la prison à vie, quinze à trois ans de prison et une à un an de prison, explique une source judiciaire à l’AFP. La plupart des condamnées sont turques, ou originaires des anciennes républiques de l’Union soviétique. Une Allemande a également été condamnée à la peine capitale. La loi antiterroriste irakienne prévoit la peine capitale pour des personnes non combattantes soupçonnées d’avoir simplement appartenu à l’EI.