Le premier ministre indien, Narendra Modi, en visite officielle à Londres, jeudi 19 avril. / HANNAH MCKAY / HANNAH MCKAY

Tout un symbole. Le premier ministre indien Narendra Modi, en visite à Londres mercredi 18 et jeudi 19 avril, a choisi la salle grandiose du Central Hall, où résonnèrent autrefois les discours du Mahatma Gandhi et Martin Luther King, pour défendre le bilan de son mandat, et répondre aux accusations dont il est la cible dans les récentes affaires de viols qui secouent l’Inde. « Un viol est un viol, comment peut-on tolérer cette torture vis-à-vis de nos filles ? a-t-il lancé mercredi soir devant un auditoire largement acquis à sa cause. Mais peut-on comparer le nombre de viols en fonction des gouvernements ? On ne peut pas dire : il y a tant de viols avec ce gouvernement et tant avec un autre. »

Des extrémistes hindous sont pourtant accusés, selon une enquête policière, d’avoir planifié le viol et le meurtre d’une fillette musulmane de 8 ans en janvier pour forcer sa communauté à quitter la région du Jammu. Plusieurs ministres régionaux du parti de M. Modi, le parti du peuple Indien (BJP), ont ensuite participé à des manifestations de soutien aux huit accusés, tous hindous, parmi lesquels se trouvent quatre policiers. Mercredi matin, le quotidien britannique The Guardian publiait la lettre ouverte d’un collectif de mouvements féministes et d’universitaires qui reprochent au premier ministre indien de ne pas « reconnaître le rôle des soutiens de son propre parti dans la perpétration et la célébration de ces horreurs ». Narendra Modi a été accueilli dans la capitale britannique par des manifestations de centaines d’opposants.

Une conférence animée par le chef du bureau de la censure cinématographique

Aucune de ces voix critiques n’a toutefois franchi l’enceinte du Central Hall, lors de la conférence intitulée « Discussions sur l’Inde avec tout le monde », retransmise en direct sur les réseaux sociaux. Cet échange entre le premier ministre indien et la société civile promettait d’aborder les questions du « monde entier », du « pôle nord » à l’« Arabie saoudite ». Sauf celles de plusieurs associations féministes qui disent avoir été exclues de cette rencontre. « Tout sera permis », avaient promis les organisateurs qui ont tout de même choisi le chef du bureau de la censure cinématographique pour animer les échanges. Prasoon Joshi a d’abord demandé à M. Modi s’il pouvait changer à lui seul la Nation. Un autre participant lui a ensuite demandé quel était son régime alimentaire.

Certaines questions tombaient à pic, au moment où le parti nationaliste hindou fait campagne dans l’Etat du Karnataka, puisqu’un participant a demandé au dirigeant indien ce qu’il pensait de Basaveshwara, le fondateur de la secte religieuse des Lingayats, très influente dans cet Etat du sud de l’Inde. L’audience était essentiellement composée de membres de la diaspora indienne à l’étranger, qui compte parmi les soutiens les plus fervents de M. Modi. Le dirigeant indien n’a toutefois pas rempli le stade de Wembley comme ce fût le cas lors de sa dernière visite à Londres en novembre 2015.

Narendra Modi a défendu ses réformes, en déclarant que le travail était « accompli trois fois plus vite » qu’auparavant. Il a défendu sa politique étrangère, se félicitant d’être le premier dirigeant indien à s’être rendu en Israël et en Palestine. Il a aussi donné le récit de la journée où l’armée indienne a lancé, le 29 septembre 2016, des « frappes chirurgicales » sur le territoire pakistanais. « Avant que l’Inde ne l’apprenne, j’ai dit que nous devions appeler les Pakistanais et leur dire ce que nous avions fait pour qu’ils viennent chercher les corps », a-t-il raconté sous les applaudissements du public. « Nous leur téléphonions depuis 11 heures du matin mais ils avaient peur de répondre. A midi, nous leur avons finalement parlé et nous avons ensuite prévenu les médias indiens. »

« Je suis comme vous »

Narendra Modi a parlé de lui à la troisième personne, tout en rappelant à l’audience ses origines modestes de vendeur de thé : « Celui qui travaillait dans une gare était Narendra Modi. Mais la personne qui va au palais royal de Londres est le serviteur de 1,25 milliard d’Indiens ». « Je suis comme vous », a martelé le premier ministre. Et pour ceux qui douteraient encore que le dirigeant indien n’est qu’un « homme ordinaire », il a confessé qu’il « n’était pas né dans le but de se retrouver dans les livres d’histoire ».

M. Modi a défendu un style de gouvernance, pour et avec les Indiens. « S’il y a un million de problèmes, il y a aussi un milliard de solutions » a-t-il déclaré en référence à la taille de la population indienne. Le peuple, rien que le peuple. En revanche, il n’a pas fait allusion à la Cour suprême, dont le président est critiqué pour sa partialité, ni au recul de la liberté de la presse dans le pays. « Mon problème, ce ne sont pas les critiques. Pour critiquer, il faut rechercher et trouver les faits. Malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe de nos jours. Ce qu’on trouve à la place, ce sont des accusations », a déclaré le dirigeant, qui n’a donné que de rares interviews ou conférences de presse depuis son arrivée au pouvoir à New Delhi.