Depuis quelques années, un nouveau protocole de lutte contre le paludisme a été introduit au Niger : la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS), expérimentée pour la première fois par Médecins sans frontières (MSF) en 2013, dans 1 000 villages des régions de Maradi, Zinder et Tahoua. En 2017, la CPS a été mise en œuvre dans 28 districts et, à la prochaine saison des pluies, elle sera étendue à la quasi-totalité du Niger.

Présentation de notre série : Paludisme, la guerre d’usure

« Soixante-et-un districts de santé, sur les 72 du pays, vont mettre en œuvre la CPS au profit de 4 millions d’enfants âgés de 3 mois à 5 ans », indique Djermakoye Hadiza Jackou, coordinatrice du Programme national de lutte contre le paludisme au Niger. Le coût de la campagne sera supporté par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’Initiative présidentielle du gouvernement américain contre le paludisme (PMI), l’Unicef et la Banque mondiale. Il s’élèvera à 11 millions de dollars (environ 8,9 millions d’euros), contre 6,2 millions de dollars en 2017.

Une logistique importante

Selon la définition de l’OMS, la CPS consiste en « une administration intermittente de protocoles thérapeutiques complets d’antipaludiques aux enfants pendant la saison du paludisme dans des zones où la transmission a un caractère fortement saisonnier » et vise à « prévenir l’infection palustre en conservant des taux sanguins thérapeutiques pendant la période où le risque de transmission est le plus élevé ».

La campagne se déroule de juillet à octobre, après le début de la saison des pluies. Le traitement est distribué pendant quatre mois, à raison de trois prises de quatre comprimés au début de chaque mois. La CPS requiert une logistique importante, dans la mesure où les mères doivent venir chercher le médicament préventif sur les lieux de distribution, où la première prise est généralement supervisée par un agent de santé qui explique comment l’administrer à l’enfant : broyé dans une louche avec un peu d’eau et de sucre pour dissimuler l’amertume des comprimés.

« La campagne CPS se fait aussi bien en stratégie fixe, dans les centres de santé, qu’en stratégie mobile : soit à moto, afin d’atteindre les enfants éloignés de plus de 5 km des centres de santé, soit en porte-à-porte, surtout en milieu urbain », explique Djermakoye Hadiza Jackou.

Une étude d’impact est programmée cette année, mais, d’ores et déjà, la coordinatrice du programme constate « une diminution de la fréquentation des centres de santé pendant la saison de haute transmission » et indique que « les communautés rapportent qu’il n’existe plus de “cimetières d’enfants”, comme il y a quelques années, pendant la saison des pluies ». En termes de résultats, « nous avons enregistré des couvertures supérieures à 85 % des enfants ciblés, ce qui a contribué à une baisse de l’incidence et de la létalité liées au paludisme dans la tranche d’âge ciblée », affirme-t-elle.

Dépistage de la malnutrition

MSF a conduit en 2016 une étude sur l’efficacité de la CPS à Magaria, dans le sud du pays, rendue publique en janvier. Les équipes de l’ONG avaient relevé en 2015 une augmentation massive de la prise en charge du paludisme deux ans après l’introduction de la CPS et elles cherchaient à en comprendre les causes. L’épidémiologiste Bachir Assao, l’un des deux auteurs de l’étude, a travaillé notamment sur la vérification des déclarations des mères, puisqu’il est de leur responsabilité d’administrer à la maison une partie du traitement.

L’étude a montré qu’un nombre important d’enfants ayant reçu le traitement – d’après les dires de leurs mères – avaient un niveau indétectable d’amodiaquine dans le sang. Dans la zone TOD (traitement sous observation directe), où la première prise de chaque mois est administrée sous la surveillance d’un agent de santé, 25 % des enfants ne présentaient pas de traces de résidu de la molécule ; et dans la zone non TOD, sans surveillance d’un agent de santé à la première prise, ce chiffre s’élevait à 50 %. L’adhérence, c’est-à-dire la régularité du traitement à la maison, est donc le défi principal à relever.

Quelles peuvent être les causes de ce décalage entre les déclarations des mères et la réalité ? « Il y a des enfants qui crachent le comprimé, qui est très amer, et des mères qui partagent le traitement avec leurs autres enfants ou qui gardent des comprimés pour les donner à l’enfant s’il tombe malade par la suite », estime Bachir Assao, entre autres hypothèses.

Quoi qu’il en soit, la baisse continue de l’incidence et de la mortalité du paludisme enregistrée depuis 2000 au Niger devrait progresser encore avec la généralisation de la CPS à l’ensemble du territoire. D’autant que c’est une occasion pour les agents de santé de voir les femmes et les enfants pendant la saison des pluies, qui coïncide avec le pic de malnutrition. Depuis 2016, la campagne CPS est ainsi couplée avec le dépistage de la malnutrition aiguë chez les enfants de 6 mois à 5 ans.

Sommaire de notre série : Paludisme, la guerre d’usure

Dans une série en dix épisodes, Le Monde Afrique détaille les enjeux de la lutte contre cette maladie parasitaire qui a provoqué 445 000 décès dans le monde en 2016.

Présentation de notre série : Paludisme, la guerre d’usure