Plusieurs dizaines de milliers de personnes – 119 500 selon le ministère de l’intérieur, 300 000 selon la CGT – ont défilé, jeudi 19 avril, partout en France pour dénoncer la politique d’Emmanuel Macron.

A Paris, ils étaient 15 300 personnes, selon un comptage réalisé par le cabinet Occurrence, 11 500 selon la police, et 50 000 selon la CGT à défiler entre Montparnasse et place d’Italie. Plusieurs manifestantsrencontrés dans le cortège livrent leur vision de la « convergence des luttes » appelée par la CGT.

Mickaël Otsum, étudiant en master à Paris-I-Tolbiac

Mickaël Otsum, étudiant en master à Paris-I-Tolbiac : « La convergence des luttes, on la voit ». / Pierre Bouvier - Le Monde.fr

« La convergence des luttes, on la voit à Tolbiac avec les cheminots d’Austerlitz, pour lesquels on a fait une collecte qui a permis de lever 6 000 euros. On voit que le mouvement se durcit dans les universités et les écoles, comme à l’EHESS ou à Sciences Po. A la RATP, la CGT a aussi appelé à la grève ce vendredi. Ce qui s’est passé dans la « zone à défendre » (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, c’est une vengeance politique, pour que le gouvernement ne perde pas la face : il tape partout, dans la ZAD, à Tolbiac. En touchant la ZAD, il a touché le mouvement social. »

Camille Bernard, enseignante en collège à Thiais (Val-de-Marne)

Camille Bernard, enseignante en collège à Thiais (Val-de-Marne) : « La baisse des moyens et la casse des statuts, ça concerne tout le monde ». / Pierre Bouvier - Le Monde.fr

 « La convergence des luttes, je l’appelle de mes vœux, je la souhaite, mais elle a du mal à prendre. Dans le métro, les employés de la SNCF chantaient « usagers avec nous », je leur ai dit qu’il fallait plutôt dire « salariés, tous ensembles ». Parce qu’être usagers ne fait pas d’eux des travailleurs. Si on pouvait faire une convergence du public et du privé, ce serait l’idéal. Que la convergence ait du mal à prendre, je l’explique par l’impression, chez les gens, que si les luttes sont corporatistes, elles ont des chances d’aboutir. Mais c’est une erreur : on est tous soumis à la baisse des dépenses publiques et à la dégradation des conditions de travail et salariales. Pour moi, la convergence a tout son sens, mais Macron a parlé de « coagulation », qu’il juge illégitime. Il divise pour mieux régner. La baisse des moyens et la casse des statuts, ça concerne tout le monde : les hôpitaux, les Ehpad, les universités, l’éducation nationale, l’université. »

Maxime, étudiant en médecine

Maxime (pseudo ?), étudiant en quatrième année de médecine à la Pitié-Salpêtrière (Paris) : « Est-ce qu’on veut un rapport à l’autre fondé sur la valorisation économique ? ». / Pierre Bouvier - Le Monde.fr

« Il faut que ça pète. L’hôpital est au cœur des rapports à l’autre. Est-ce qu’on veut un rapport à l’autre fondé sur la valorisation économique ? »

Alexia Peyre, psychologue à la protection judiciaire de la jeunesse en Seine-Saint-Denis

Alexia Peyre, psychologue à la protection judiciaire de la jeunesse en Seine-Saint-Denis : « Pour nous, il y a une convergence avec les facultés, avec la répression des migrants » / Pierre Bouvier - Le Monde.fr

« Il y a une convergence des luttes pour la défense du service public, chez les cheminots ou chez nous qui défendons les tribunaux partout et la justice de proximité. Notre combat à nous, c’est la lutte contre l’enfermement des mineurs et l’accueil des mineurs étrangers isolés. Avec la création de 20 centres d’éducation fermés, ce sont des jeunes qui ont besoin d’être placés qui finissent enfermés. Cela se fait au détriment des milieux ouverts qui suivent 95 % des jeunes qui passent devant les juges pour enfants. Pour nous, il y a une convergence avec le mouvement des jeunes, avec les facultés, la répression des migrants. »

Aurélie Caulier, ergothérapeute dans un hôpital psychiatrique parisien 

Aurélie Caulier, ergothérapeute dans un hôpital psychiatrique parisien : « On s’inquiète pour ceux qui n’ont pas notre statut et sont précaires » / Pierre Bouvier - Le Monde.fr

« Je crois suffisamment à la convergence des luttes pour être là, parce que l’espoir nous permet de tenir. Mais je doute aussi, parce qu’il n’y a pas tant de monde que ça dans la rue. Mais dans la rue, on entend toujours le même fond de plainte. On s’inquiète pour les personnes qui travaillent avec nous, qui n’ont pas notre statut et sont précaires. Chez nous, les postes supprimés ne sont pas remplacés, ou s’ils le sont, c’est sur plusieurs sites différents. C’est notre quotidien, mais c’est la même chose dans les autres services publics, comme l’éducation, avec des salaires pourris et des conditions pourries ».

Mouloud Sahraoui, secrétaire général CGT dans une ancienne filiale de la SNCF

Mouloud Sahraoui, secrétaire général CGT dans une ancienne filiale de la SNCF : « Ça « coagule », comme dit Macron, dans tous les secteurs » / Pierre Bouvier - Le Monde.fr

« La convergence, j’y crois. elle a commencé avec les cheminots, les gaziers, les éboueurs, les électriciens, et les étudiants. Et oui, ça « coagule », comme dit Macron, dans tous les secteurs : oui, j’y crois, on est à un tournant historique. La RATP a déposé un préavis, ça commence à prendre. Il y a les travailleurs, les étudiants, les lycéens. Nous sommes allés à Nanterre, à Tolbiac. Nous on est en lutte depuis plusieurs semaines. Chez nous, il est aussi question de répression syndicale : 11 des 15 élus CGT sont sous le coup d’une procédure de licenciement. Les syndicalistes sont réprimés pour faire peur aux autres salariés. Les conditions sont précaires, puisqu’on a 132 intérimaires pour 182 CDI. C’est pourquoi on observe une hausse des accidents professionnels chez les intérimaires, parce qu’ils ne sont pas formés. Les cheminots nous disent qu’ils n’ont pas envie de finir comme nous, de subir la course aux profits au détriment des conditions de travail des salariés. Pour nous, la convergence des luttes, c’est de tirer tout le monde vers le haut. »