Campus de Tolbiac, université Paris-I, le 11 avril 2018. / BERTRAND GUAY / AFP

« Partout nous rétablirons l’Etat de droit et en particulier dans les facultés, où une minorité empêche les étudiants de passer leurs examens » : le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a annoncé la couleur à l’Assemblée nationale, mercredi 18 avril, lors des questions au gouvernement. Depuis plus de trois semaines, la mobilisation contre la loi « orientation et réussite des étudiants » (promulguée début mars et accusée de mettre en place la sélection à l’entrée de l’université) perturbe le fonctionnement d’une quinzaine d’universités. Quatre sont toujours totalement bloquées, et des étudiants de « Sciences-Po » ont rejoint le mouvement mercredi 18 avril.

Plusieurs présidents d’universités touchées ont déjà fait intervenir les forces de l’ordre pour évacuer des étudiants, notamment à Strasbourg, Nanterre ou la Sorbonne. D’autres ont déclaré y songer, afin d’assurer la sécurité et permettre la bonne tenue des examens.

L’occupation la plus emblématique est celle du campus de Tolbiac de l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Voilà presque quatre semaines que ce site situé dans le 13e arrondissement de la capitale, régulièrement en pointe des mobilisations étudiantes, est lui aussi occupé, plus d’une semaine et demie que son président Georges Haddad a officiellement demandé à la préfecture de police de faire intervenir les forces de l’ordre, notamment après la découverte de cocktails Molotov dans l’établissement. Mais la préfecture a jusqu’ici repoussé une opération aussi sensible dans cette tour de 22 étages.

« Particularité topographique »

Dimanche, à l’occasion de son interview par Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, le président de la République avait apporté des éléments d’explication, soulignant « une particularité topographique à Tolbiac » : « C’est une tour et l’appréciation de ceux qui ont à faire respecter l’ordre, c’est que c’est presque plus dangereux [d’intervenir] que de ne pas intervenir. »

Vue sur Google Maps du campus de Tolbiac (au centre), université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. / © Google

Son rez-de-chaussée et ses amphis sont, depuis le 26 mars, le lieu de vie de 50 à 200 étudiants, présents jour et nuit sur le site. Ce dernier accueille habituellement quelque 10 000 étudiants, en majorité inscrits en sciences humaines.

A l’AFP, Ahmed Slimani, l’adjoint du chef du service juridique de la préfecture de police, a indiqué mercredi que « le préfet de police travaill[ait] [à une intervention], chaque jour depuis la saisine, et depuis aujourd’hui chaque heure ». Il a lui aussi estimé que « la configuration, l’architecture de cette tour » rendent « périlleuse, dangereuse, une intervention des forces de l’ordre ». « Une telle opération se prépare » et il est « difficile de donner ces informations de nature à supprimer un effet de surprise », a ajouté Christophe Bernard, le chef du service juridique de la préfecture de police.

« Autorité en carton », selon l’UNI

Ces explications pragmatiques ne convainquent pas le syndicat étudiant de droite UNI (Union nationale interuniversitaire) qui, mercredi, lors d’une audience au tribunal administratif de Paris, a fustigé ce qu’il considère comme « l’autorité en carton » de la préfecture de police. Il déposait un nouveau recours au juge administratif des référés afin « d’enjoindre au préfet de libérer Tolbiac et de permettre aux étudiants de pouvoir y passer leurs examens dans de bonnes conditions ».

Jeudi en fin de matinée, le tribunal administratif a répondu à ce recours en renvoyant la balle à… la préfecture de police : « Il appartient au préfet de police (…) de décider, sous le contrôle du juge, s’il y a lieu (…) de faire intervenir les forces de l’ordre, et de définir le moment et les modalités de cette intervention ».

Sur leur compte Facebook, les étudiants mobilisés à Tolbiac ont une autre explication de cette non-intervention des forces de l’ordre : « Ce n’est pas en raison de la topographie de la fac mais du soutien massif que l’on a reçu. Plusieurs milliers de personnes, étudiant·es, cheminot·es, travailleurs du quartier se sont retrouvées deux fois de suite pour défendre la commune de Tolbiac. »