Jean Lassalle aime marteler son attachement à la terre. Mais le défenseur autoproclamé de la France rurale a surtout privilégié les airs, au mois d’avril 2017. Les dépenses détaillées du candidat du mouvement politique Résistons ! lors de la dernière élection présidentielle, désormais consultables à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), et auxquelles Le Monde a eu accès, montrent un recours répété aux voyages en jet privé, sur une courte période d’une dizaine de jours.

Arrivé septième lors du premier tour, le 23 avril 2017, avec 1,21 % des voix, le député des Pyrénées-Atlantiques est sans conteste le plus économe des candidats au dernier scrutin présidentiel. Il a déclaré 260 112 euros de dépenses, une enveloppe légèrement revue à la baisse par la CNCCFP, qui l’a fixée à 241 573 euros après « réformations » – ce terme désignant les corrections effectuées par la Commission. N’étant pour leur part entachés d’aucun soupçon d’irrégularité, les coûts aériens du candidat ont tous été validés.

Du 12 au 21 avril 2017, M. Lassalle a effectué cinq voyages à bord d’avions privés de la compagnie Wijet, pour un total de 37 110 euros. Le montant paraît insignifiant, comparé aux 16,6 millions d’euros de la campagne d’Emmanuel Macron. Mais ces frais de transport représentent 15 % du budget global de M. Lassalle. Et quasiment la moitié de tous ses frais de déplacement (80 819 euros). Une bizarrerie, dans une campagne globalement très économe.

A quelques jours de l’élection, le fils de berger qui se voyait bien à l’Elysée doit acquérir le don d’ubiquité. Comment passer en quelques heures d’un débat sur la réforme territoriale à Pont-du-Château (Puy-de-Dôme), au village d’Ucciani en Corse-du-Sud ? Comment être le matin du 19 avril à Culey, dans la Meuse, dans la ferme du maire, puis l’après-midi à la télé dans l’émission « Zemmour et Naulleau » sur Paris Première ? A chaque fois, le candidat utilise les services de la même compagnie de jets d’affaires, Wijet, qui propose des trajets pour quatre passagers, pour 6 000 à 10 000 euros.

« C’est mesquin »

« Mon très grand regret était de ne pas avoir pu aller voir les territoires auxquels je savais que mon cœur, ma bouche, ma plume parleraient, explique sans détour Jean Lassalle. Quand j’ai enfin eu un peu d’argent disponible, j’ai vu qu’on pouvait se payer ces jets. »

« Dans la très grande majorité des cas, les déplacements lors de la campagne ont été effectués avec la SNCF ou les lignes régulières d’Air France », contextualise Antoine Nougarède. Le mandataire financier de l’ex-candidat déplore les réformations de la CNCCFP : « Si j’avais su qu’elle n’allait pas rembourser les quelques centaines d’euros de gazole dépensés par le candidat Lassalle pendant toute sa campagne sur les routes de France, on aurait dépensé beaucoup plus en jet privé. (…) C’est mesquin et ça pousse à la consommation. » La commission a de fait retoqué certains frais automobiles du candidat, qui a parfois utilisé sa voiture personnelle, jugeant que ceux-ci n’avaient pas à être remboursés par l’Etat.

En plus de l’avance forfaitaire de l’Etat de 153 000 euros versée à tous les candidats, M. Lassalle est parvenu à emprunter 90 000 euros auprès du Crédit coopératif, en avril. Une bouffée d’oxygène, après les refus essuyés auprès de sa propre banque, le Crédit agricole.

Le 29 septembre 2017, face à Jean-Jacques Bourdin, il avait évoqué cette période de difficultés financières avec son ironie habituelle : « Ma femme n’a pas beaucoup apprécié, surtout que c’était belle-maman qui devait payer les courses. » Début février, la CNCCFP a décidé que le candidat Lassalle se verrait rembourser par l’Etat la somme de 228 659 euros.