Arsène Wenger avec ses recrues Emmanuel Petit (à gauche) et Marc Overmars en 1997, au moment de leur arrivée à Arsenal. / ADRIAN DENNIS / AFP

Ancien milieu d’Arsenal (1997-2000), Emmanuel Petit a connu les premières heures de gloire de l’ère Arsène Wenger à Arsenal. L’ex-international français a notamment remporté le fameux doublé (championnat et Coupe d’Angleterre) de 1998 avec son compatriote, nommé sur le banc des Gunners deux ans plus tôt. Consultant RMC et SFR Sport, le champion du monde 1998 réagit pour Le Monde à l’annonce du départ, à la fin de la saison, d’Arsène Wenger d’Arsenal après un règne inédit de vingt-deux ans (1996-2018).

Que retiendra-t-on du règne de vingt-deux années d’Arsène Wenger à Arsenal?

Pour moi, il n’y a qu’une seule comparaison possible : Arsène est à l’image d’Alex Ferguson [manageur historique de Manchester United pendant vingt-sept ans, de 1986 à 2013] même si ses titres sont moins ronflants [trois titres de Premier League] que ceux de son ex-confrère [13 titres de Premier League, deux Ligues des champions]. Comme Ferguson, il a révolutionné le foot anglais et la Premier League. Il a été un précurseur et a ouvert la porte du championnat anglais aux manageurs étrangers et aux joueurs français. On a vu avec Arsène un exode massif de footballeurs venus de l’Hexagone.

Arsène Wenger a annoncé, vendredi 20 avril, qu’il quitterait Arsenal en fin de saison. / ADRIAN DENNIS, BEN STANSALL / AFP

Etait-il davantage un bâtisseur qu’un entraîneur?

Arsène Wenger, c’est une marque reconnue. En dehors de la construction de l’Emirates Stadium [inauguré en 2006] et du centre d’entraînement d’Arsenal, il s’est distingué par ses diplômes d’économiste. C’est un formidable gestionnaire sur le terrain et aussi en coulisses. Il a su vendre des joueurs.

Comment expliquez-vous sa longévité à Arsenal?

Il a réussi à construire des fondations solides. Il a eu ensuite le luxe de disposer d’un crédit pour mettre en place ses idées qui s’inscrivent dans le temps long, dans un environnement où tout va très vite. Loin de l’impératif des résultats à court terme, il a amené sa patte sur plusieurs années. Il a aussi eu une relation très amicale avec David Dein, le patron du club [vice-président de 1983 à 2007]. J’ai connu « l’Arsène who ? » [question posée à ses débuts par la presse anglaise] et l’incrédulité des gens. Mais après le doublé championnat-coupe de 1998, il a entretenu une relation très forte avec les actionnaires. Ce fut une véritable histoire d’amour entre le club et lui.

« Lui qui était très “old school” n’avait pas les mêmes codes et valeurs que la nouvelle génération »

Sur les deux, trois dernières années, il a été fatigué mentalement par les critiques accumulées. Il était cerné de toutes parts. Cela a eu un impact sur l’homme, sa relation avec les joueurs. A mon sens, son dilemme était de pouvoir s’adapter aux codes de la nouvelle génération après avoir partagé ceux des joueurs avec lesquels il a gagné des titres . Lui qui était très « old school » n’avait pas les mêmes codes et valeurs que ceux de la nouvelle génération.

Certes, il n’a remporté que trois Coupes d’Angleterre ces dernières années [2014, 2015, 2017]. Mais pour juger son bilan avec honnêteté, il faut le regarder du début à la fin, sur et en dehors du terrain. C’est un manageur intègre, qui a laissé une trace par sa relation avec les joueurs et les salariés du club. A Arsenal, il était respecté, aimé en tant qu’homme.

Comment voyez-vous son avenir?

Il a un jour dit, lors d’un entretien, qu’il aurait le sentiment de mourir s’il prenait sa retraite. Quand je vois maintenant Ferguson en tribunes, cela paraît très bizarre. Alors pour Arsène... Je ne sais pas quelles seront ses intentions. J’espère qu’il va rester au contact du foot.

Cela me paraît impossible qu’il entraîne un autre club anglais mais il peut devenir, pourquoi pas, patron d’une sélection nationale. Ce serait dommage de se passer de son expérience, sa vision, sa droiture, son professionnalisme, son intelligence. Il pourrait rendre des services à la gouvernance du football, surtout par les temps qui courent. Par sa probité, il a su gagner le respect unanime du monde du foot. Ce serait un énorme gâchis qu’il ne reste pas au contact du foot.