Le 8 mai 2016. / PAUL ELLIS / AFP

« On est venus pour célébrer ! » La réponse d’Oliver Charlton fuse, sans appel. Supporteur d’Arsenal de père en fils, le jeune homme de 21 ans ne cache pas son bonheur de voir Arsène Wenger enfin quitter le club. En ce vendredi 20 avril ensoleillé, il est venu devant le stade Emirates, avec son maillot de l’équipe sur le dos, pour fêter ce départ. « J’ai vraiment cru qu’il ne partirait jamais », renchérit son ami Harry Burden.

Après l’annonce de la démission de l’entraîneur français, les hommages des professionnels du football se sont enchaînés, à commencer par celui de son ancien rival, Alex Ferguson, qui juge qu’il est « l’un des plus grands de la Premier League ». Mais pas autour du stade, où le soulagement dominait. Si les supporteurs saluent, bien entendu, la première décennie d’Arsène Wenger, quand il a accumulé les trophées, les dernières années ont été trop difficiles et acrimonieuses pour s’effacer d’un coup.

Unis contre leur ancien héros

« Cette saison, l’atmosphère dans le stade était horrible, personne ne quittait le stade avec le sourire », raconte Harry Burden. Depuis quelques mois, les Gooners (surnom des fans d’Arsenal) boudaient les matchs et les tribunes se vidaient. A chaque rencontre, ils appelaient au départ d’Arsène Wenger, désormais quasiment unis contre leur ancien héros.

« Le même problème revenait, saison après saison, commente Mo Rizwan, 35 ans, qui préférait ne plus aller au stade, faute d’espoir. A chaque fois, on s’enfonce un peu plus dans le classement. On devrait être une équipe qui se bat pour le titre, on a les moyens pour ça, mais on n’y arrive pas. »

Arsenal est actuellement sixième de la Premier League. L’an dernier, l’équipe a fini la saison à la 5e position, ne se qualifiant pas pour la ligue des champions pour la première fois en deux décennies. Pire encore, pour ses supporteurs, l’équipe voisine, Tottenham Hotspur, l’éternel grand rival, leur est passée devant ces deux dernières saisons.

Même ceux qui ont de la mémoire estiment qu’Arsène Wenger avait fait son temps. Au Drayton Park, un pub situé juste en face du stade, Cliff sirote sa pinte de bière. Chez lui, il a conservé les enregistrements de tous les matchs de l’incroyable saison des « Invincibles », quand Arsenal a remporté la Premier League en 2003-2004 sans perdre une seule rencontre : « De temps en temps, je les regarde encore. Cette équipe a joué le meilleur football de toute l’histoire de la Premier League. » Mais l’artiste qui était alors à la manœuvre, Arsène Wenger, n’arrive plus à suivre. « En arrivant, il a tout changé : la façon de jouer, l’alimentation des joueurs, ce qu’ils boivent… C’était révolutionnaire. Mais il n’a pas su s’adapter ces dernières années, face à un football qui a changé. Aujourd’hui, on n’a plus que des joueurs médiocres. »

Un bilan spectaculaire

Bien sûr, tous les supporteurs veulent maintenant un départ honorable pour Arsène Wenger. Avec trois titres de champions d’Angleterre et sept de Coupe d’Angleterre en vingt-deux ans, la construction d’un nouveau stade et une équipe dont la solidité financière ne dépend pas du bon vouloir d’un milliardaire, l’Alsacien possède un bilan spectaculaire. Beaucoup souhaitent qu’une statue lui soit construite, pour accompagner notamment celles de Thierry Henry et de Dennis Bergkamp, deux des meilleurs joueurs qu’il a dirigés. Mais cela fait déjà quelques années que les Gooners voulaient ranger leur entraîneur dans les cartons de l’histoire et passer à autre chose. « Cela fait dix ans qu’il aurait dû partir », s’agace Runc Bergseth, un Norvégien qui a fait le déplacement à Londres pour le match de ce dimanche contre West Ham.

Pour oublier le goût amer de ces dernières années, les supporteurs rêvent maintenant d’un départ en fanfare. Jeudi 26 avril, Arsenal reçoit l’Atletico de Madrid en demi-finales de la Ligue Europa. Une victoire, et l’équipe aurait un pied dans la finale à Lyon le 16 mai. La saison anglaise serait alors finie et ce serait le tout dernier match d’Arsène Wenger. Pour une fin en forme d’apothéose ?