L’imam salafiste algérien El Hadi Doudi, 63 ans, devait être expulsé, vendredi 20 avril, vers l’Algérie, après trente-huit années passées à Marseille, où il a officié dans plusieurs mosquées. Saisie en extrême urgence, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a autorisé, jeudi, cette reconduite, qu’elle avait temporairement suspendue mardi, une heure seulement avant son embarquement sur un ferry à destination d’Alger.

Dénonçant les « conditions honteuses » de son interpellation et un empressement empêchant l’imam d’exercer des voies de recours contre l’arrêté ministériel signé le matin même, son avocat, Me Nabil Boudi, avait invoqué auprès de la CEDH des « risques de torture ou de traitements dégradants » à son arrivée en Algérie. M. Doudi avait été placé au centre de rétention administrative de Marseille dans l’attente de la décision de la CEDH.

« Forme d’impunité »

Attirant de nombreux fidèles dans la mosquée As-Sounna qu’il présidait depuis le début des années 2000, l’imam Doudi est décrit par les services de renseignement comme « une référence du salafisme », l’un des principaux propagateurs de ce courant religieux radical à Marseille. Selon une « note blanche », « le prosélytisme patient et continu d’El Hadi Doudi a conduit à la diffusion du message salafiste à un quart des fidèles assistant à la prière du vendredi » dans les lieux de culte des Bouches-du-Rhône. Le 11 décembre 2017, le préfet de police avait signé un arrêté de fermeture provisoire de la mosquée As-Sounna, située au cœur du 3e arrondissement de Marseille.

Dans l’avis favorable qu’elle a rendu le 8 mars, la Commission d’expulsion – une instance composée de juges administratifs et judiciaires – avait pointé le caractère radical et haineux des prêches de l’imam. « L’analyse de l’idéologie propagée par M. Doudi avec une forme d’impunité qui a longtemps prévalu, écrit cette commission, démontre que l’autre est nié dans sa singularité et son humanité. Il est identifié uniquement par rapport à son sexe et à son appartenance ou non à une race, une religion, une catégorie de personnes, ce qui est attentatoire aux valeurs de la République. »

Propos vengeurs à l’égard des caricaturistes de Mahomet, apologie du djihad, justification de la lapidation et de la mise à la mort des mariés adultères et des apostats, usage de versets du Coran nommant les juifs comme des « impurs, les frères des singes et des porcs »… M. Doudi revendique, selon son avocat, un « islam rigoriste, orthodoxe. Mais sans appel au terrorisme ni au djihad ».

Cette même commission avait estimé que, au regard des « agissements constituant des actes de provocation explicites et délibérés à la discrimination, à la haine et la violence contre un groupe de personnes », l’expulsion envisagée par le ministre de l’intérieur ne portait pas « une atteinte disproportionnée » à la vie privée de M. Doudi. Divorcé, M. Doudi conteste être marié religieusement à deux épouses. Il est père de sept enfants dont quatre, majeurs, sont de nationalité française, les trois plus jeunes, âgés de 3 à 7 ans, ayant la nationalité algérienne.