La reprise de la dette de la SNCF par l’Etat à partir de 2020, comme l’a confirmé le président de la République dimanche 15 avril à la télévision, menace-t-elle la réduction du déficit de la France ? Cet engagement a provoqué une passe d’armes entre le gouvernement et l’opposition au Parlement, mercredi.

Car il est venu percuter l’examen par les députés, puis par les sénateurs, du programme de stabilité 2018-2022 du pays. Ce document, qui actualise les données du budget 2018, doit être envoyé à Bruxelles en fin de mois.

Mercredi matin à l’Assemblée nationale, les hauts fonctionnaires venus répondre aux députés en commission des finances ont reçu un accueil plutôt musclé. « C’est du gloubi-boulga ! », s’est agacée Valérie Rabault, nouvelle présidente du groupe Nouvelle Gauche, après les explications données par les représentants de Bercy. « Nous ne sommes pas là pour discuter avec vous des méthodes comptables, a-t-elle grondé. On est là pour que vous nous disiez quel montant de la dette [de la SNCF] sera inclus dans la dette [de la France]. »

« Un Parlement humilié »

A droite, le ton n’était pas plus conciliant. Très énervé, Charles de Courson (Les Républicains) a évoqué « un Parlement humilié ». « Mesdames et Messieurs les hauts fonctionnaires de l’Etat, pouvez-vous répondre aux représentants du peuple français ? », a-t-il lancé dans une colère froide à peine contenue.

La discussion a pris la tournure d’un dialogue de sourds. « Il n’y a aucune volonté de masquer quoi que ce soit, a plaidé Martin Vial, commissaire aux participations de l’Etat. La question, c’est : Combien vous allez reprendre ?’’ La réponse à cette question n’est pas possible aujourd’hui. » Car, a-t-il argumenté, tout dépendra de la situation de la SNCF en 2020, après la réforme.

Les hostilités ont repris l’après-midi dans l’hémicycle, en présence des ministres Bruno Le Maire (économie) et Gérald Darmanin (comptes publics). « Le programme de stabilité ne fait pas mention de la reprise de la dette de la SNCF, a pointé Christine Pires Beaune (Nouvelle Gauche). Si la reprise est décidée, elle doit apparaître dans votre programme. Cet oubli signifie, soit que l’Etat n’envisage pas de reprendre la dette, contrairement aux annonces, soit que les données que vous envoyez à Bruxelles pour le pacte de stabilité sont insincères. »

« Deux points de PIB »

Rapporteur général, Joël Giraud, député La République en marche, s’est voulu conciliant : « Dans le scénario le plus défavorable, le déficit pourrait être accru de deux points de PIB l’année de reprise. Mais la question ne se posera qu’à partir de 2020. Et il semble que cette reprise de dette ne devrait être que partielle dans un premier temps. Ce qui permet d’être rassuré. »

Bruno Le Maire a tenté de clore le débat. La dette que l’Etat devra reprendre, a-t-il dit, « c’est 50 à 55 milliards d’euros fin 2020 », dont 11 sont déjà intégrés dans la dette publique depuis 2014. Le ministre a justifié que cette question ne figure pas dans le programme de stabilité. « On ne va pas intégrer immédiatement la reprise de la dette tant qu’on ne sait pas si la SNCF a retrouvé sa compétitivité, a-t-il expliqué. Reprendre la dette progressivement à partir de 2020, oui, mais à condition et à condition seulement que la transformation de la SNCF soit achevée et qu’elle puisse retrouver les bénéfices. »

Ce que ne dit pas Bruno le Maire, c’est qu’une rude négociation est en cours entre SNCF Réseau et Bercy sur le montant de la dette qui sera reprise et les modalités. Selon nos informations, la direction du gestionnaire d’infrastructures souhaiterait que l’Etat récupère une quarantaine de milliards d’euros, pour que son endettement représente au maximum 5 à 6 fois son excédent brut d’exploitation.

Bercy, lui, estime que le groupe peut soutenir une dette représentant jusqu’à 10 fois son résultat d’exploitation. Ce qui implique une reprise moindre.