Andrea Nahles, la nouvelle présidente des sociaux-démocrates allemands (SPD), à Wiesbaden, le 22 avril. / RALPH ORLOWSKI / REUTERS

Pendant six mois, l’Allemagne a été silencieuse. Tout occupée à former un gouvernement, Angela Merkel n’a retrouvé de la voix qu’à la mi-mars, quand le Bundestag l’a réélue chancelière à la tête d’une grande coalition rassemblant ses amis conservateurs (CDU-CSU) et ses alliés sociaux-démocrates (SPD). Depuis, l’Allemagne n’est plus inaudible, mais sa politique est difficilement lisible.

C’est tout particulièrement le cas sur le front européen. Jamais un gouvernement allemand n’avait autant mis l’Europe au cœur de ses priorités. Intitulé « Un nouveau sursaut pour l’Europe », le contrat de coalition signé entre la CDU-CSU et le SPD est un vibrant plaidoyer pour une Europe de la « solidarité » et de la « justice ». En le ­lisant, les contempteurs de l’austérité pouvaient être rassurés, à commencer par Emmanuel Macron. Après des mois d’attente, le président français paraissait enfin trouver, en Allemagne, une réponse positive à son projet de « refondation européenne » exposé à la Sorbonne.

« Noyer le poisson »

Depuis, les portes se sont refermées. En recevant M. Macron à Berlin, jeudi 19 avril, Mme Merkel s’est contentée de propos très généraux sur la nécessité de « faire des compromis ». Et rien de concret sur la réforme de la zone euro chère au président français, qui souhaite doter celle-ci d’un budget et d’un ministre des finances. Comme l’a déploré une partie de la presse allemande, la chancelière a une fois de plus « merkélisé », un verbe entré dans le langage courant, outre-Rhin, et que l’on peut traduire par « noyer le poisson ».

Un mois après son entrée en fonctions, le nouveau gouvernement allemand a-t-il déjà renoncé à tout volontarisme sur la scène européenne ? Un homme, en tout cas, semble le redouter très fort. Il s’agit de Martin Schulz. Dimanche 22 avril, l’ancien candidat malheureux du SPD à la chancellerie est brièvement monté à la tribune à la fin du congrès de son parti, à Wiesbaden (Hesse).

Donner des gages à la droite

Saluant la victoire d’Andrea Nahles, première femme élue présidente du SPD, il en a profité pour lancer une vibrante mise en garde. « Nous n’avons pas fait ces propositions pour l’Europe dans le contrat de coalition pour que les conservateurs s’assoient dessus quelques semaines après. (…) Or, sans une Europe forte, les populistes gagneront. Et, s’ils gagnent, alors nous aurons la guerre, la torture et la mort », a-t-il martelé, salué par une ovation debout.

M. Schulz s’est contenté de cibler les conservateurs. Mais chacun a compris qu’il s’adressait aussi à ses camarades, en particulier à Olaf Scholz, le nouveau ministre des finances. Depuis sa prise de fonctions, l’ancien maire SPD de Hambourg ne cesse de donner des gages à la droite allemande, en maintenant notamment à leurs postes les principaux collaborateurs de son prédécesseur, Wolfgang Schäuble, pourtant la bête noire des sociaux-démocrates.

Comment l’Allemagne entend-elle redonner un « nouvel élan » à l’Europe ? Politiquement fragilisée, Mme Merkel ne semble pas en mesure d’imposer à son camp des réformes contre lesquelles les conservateurs ont toujours regimbé. La balle est désormais dans le camp des sociaux-démocrates. Si eux-mêmes s’alignent sur les dogmes de la droite allemande, ce n’est pas seulement leur parti qui risque de sombrer un peu plus, mais c’est le projet d’une Europe forte et solidaire qui pourrait être définitivement enterré. Par leur faute.