Le message des manifestants, mobilisés depuis 5 jours, a été entendu par le gouvernement du Nicaragua. Le président Daniel Ortega a renoncé, dimanche 22 avril, à sa réforme controversée des retraites, à l’origine d’une vague de manifestations qui a fait au moins 24 morts.

Lors d’une rencontre avec des chefs d’entreprise, le chef d’Etat de gauche a annoncé que l’Institut nicaraguayen de sécurité sociale (INSS) ne mettrait pas en œuvre cette réforme, qui devait augmenter les contributions sociales des salariés et des employeurs afin d’essayer d’équilibrer le système de retraites. Elle se traduisait aussi par une baisse de 5 % du montant des retraites afin de réduire le déficit de la Sécurité sociale (76 millions de dollars), sur recommandation du Fonds monétaire international. « Nous devons rétablir l’ordre, nous ne pouvons pas permettre qu’ici s’imposent le chaos, le crime, les pillages », a déclaré le président, comparant les manifestants aux gangs criminels.

Les plus graves troubles depuis 11 ans

Un supermarché pillé à Managua, samedi 21 avril. / INTI OCON / AFP

Dans ce pays pauvre d’Amérique centrale, affrontement et pillages ont continué dimanche pour le cinquième jour consécutif. Le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh) a fait état de la mort de 24 personnes à l’Agence France-Presse (AFP), qui a obtenu confirmation auprès des familles des victimes. « La situation est vraiment grave », avait commenté auparavant à l’AFP, la présidente du Cenidh, Vilma Nuñez. Parmi les victimes, figurent des étudiants, des policiers et de jeunes sympathisants du Front sandiniste au pouvoir, accusés de s’être attaqués aux manifestants.

Les troubles en cours, les plus graves depuis l’arrivée au pouvoir du président Ortega il y a 11 ans, ont commencé mercredi dans un grand nombre de villes du pays pour protester contre la réforme des retraites. Les rues de Managua étaient jonchées de débris dimanche, selon des journalistes de l’AFP sur place, qui ont aussi assisté à des scènes de pillage. Les habitants se pressaient vers les magasins et supermarchés pour constituer des stocks de provisions. Les files d’attente s’allongeaient devant les stations essence. Dans les villes de Leon et Masaya, près de Managua, des bâtiments publics ont été mis à sac, des véhicules incendiés et des centres commerciaux pillés, selon le gouvernement. Des soldats armés de fusils ont été déployés devant les bâtiments administratifs.

Critiques de la communauté internationale

Les Etats-Unis ont condamné dimanche « la violence et la force excessive utilisées par la police et d’autres personnes contre les civils qui exercent leur droit constitutionnel à la liberté d’expression et de réunion ».

« La violence est inacceptable (…) les manifestations doivent se dérouler pacifiquement et les forces de l’ordre doivent intervenir avec la plus grande retenue », a estimé de son côté l’Union européenne. A Rome, le pape François a appelé les Nicaraguayens à « cesser toute violence », à « éviter que le sang coule de façon inutile » et à résoudre le conflit « pacifiquement et avec le sens des responsabilités ».

« On n’avait pas vu cela depuis des années au Nicaragua », a commenté à l’AFP l’ancien ambassadeur nicaraguayen aux Etats-Unis Carlos Tünnerman. Le fait que les protestations aient lieu « dans presque toutes les villes du pays, dans toutes les universités et qu’elles aient été réprimées dans la violence par le gouvernement signifie qu’il existe un malaise dans la population pas seulement à cause des réformes, mais à cause de la façon dont le pays a été gouverné », a-t-il expliqué.