L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Tel Philippulus le prophète enveloppé dans son drap et armé de son gong (L’Etoile mystérieuse, Casterman, 1941), les spectateurs d’Avengers: Infinity War arpenteront les rues en bramant : « La fin du monde est proche ». Le monde, en l’occurrence, c’est le MCU, qui file vers l’apocalypse. Le sérieux des menaces qui pèsent sur le MCU, sa population et ses frontières, est tel que les autorités de Burbank ont pris la décision d’y consacrer deux heures et demie et quelques centaines de millions de dollars de plus. Pour savoir comment tout ça va finir, il faudra attendre le 3 mai 2019 et la sortie du prochain (et ultime) épisode d’Avengers. En attendant, il faudra se contenter du spectacle trépidant et parfois déconcertant de la prise de contrôle du MCU par un tyran génocidaire. Un divertissement idéal pour saluer l’arrivée du printemps.

Oh, pardon… Le MCU, marque déposée, désigne l’univers cinématographique Marvel. Au lendemain du rachat par Disney de l’éditeur de comics devenu source de matière première pour blockbusters hollywoodiens, le studio a décidé de tisser les liens narratifs des sagas imaginées par Stan Lee, le fondateur de Marvel Comics, et ses acolytes, dans l’espoir de produire un tissu résistant à tous les accrocs du marché.

Infinity War parachève cette démarche : en plus des Avengers originaux (Iron Man, Hulk, Black Widow, Captain America, Thor et les autres), le chapiteau accueille cette fois tout l’équipage des Gardiens de la galaxie, l’entière population du Wakanda (royaume de T’Challa dit Black Panther), Spider-Man et le bon docteur Strange. Ce pourrait une simple célébration de la puissance commerciale d’une multinationale, d’autant que ce produit a été confié aux frères Anthony et Joe Russo, dont les états de service (deux Captain America, deux Avengers) ont jusqu’ici révélé leur capacité à se soumettre à la culture de l’entreprise qui les emploie. C’est peut-être elle qui leur a demandé de faire de ce film le récit de la fin d’un monde, de casser les jouets élaborés au long de la dernière décennie.

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Un géant un peu balourd

Sur un scénario de Christopher Markus et Stephen McFeely, sur trois continents (New York, Glasgow, le Wakanda sont durement mis à contribution) et une demi-douzaine de planètes, les frères Russo mettent en scène les efforts de Thanos pour prendre le contrôle de six pierres précieuses dont les couleurs vives ne se marient pas forcément. Qu’importe, leur contrôle assure maîtrise de l’univers. Et Thanos sait exactement ce qu’il fera une fois devenu l’être le plus puissant de la création. Il en éliminera la moitié des êtres vivants.

C’est terrible, c’est affreux, et ça ne tient pas vraiment debout, comme souvent lorsque l’on fouille un peu les « grands thèmes » des franchises cinématographiques hollywoodiennes. Pourquoi la moitié et pas le tiers ou les neuf dixièmes ? Thanos est-il l’incarnation des écologistes qui redoutent l’amenuisement des ressources ou du grand capital qui veut ajuster le monde aux seuls besoins des puissants ? Ni l’un ni l’autre, c’est un géant un peu balourd auquel les traits de Josh Brolin, sérieusement corrigés sur ordinateur, prêtent une mélancolie qui ne manque pas de grandeur.

Face à lui, les superhéros commencent par faire assaut de private jokes, emmenés par Robert Downey Jr., pionnier dans le développement de cet exercice depuis le premier Iron Man (c’était il y a dix ans, déjà), bientôt rejoint par Quill (Chris Pratt), le corsaire des Gardiens de la galaxie.

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Quelques belles séquences de mélodrame

La rencontre entre les deux personnages produit plus d’effet comique que la totalité du second épisode des Gardiens, tout comme la projection du couple Tony Stark-Peter Parker (ce qui se dit aussi Iron Man-Spider-Man ou Robert Downey Jr.-Tom Holland) dans les espaces infinis donne à leur relation de parrain à filleul une délicatesse inattendue. On trouvera même dans cette guerre sans fin quelques belles séquences de mélodrame qui réunissent et déchirent Thanos, père adoptif monstrueux, et Gamora (Zoe Saldana), capable d’arracher des larmes à une pierre malgré la complexion verdâtre de son personnage.

On ne peut s’empêcher de soupçonner que ces petits plaisirs ne sont là que pour générer des critiques argumentées dans les médias, des timelines sur les réseaux sociaux. L’essentiel d’Infinity War reste fidèle à son titre, une interminable succession de combats. Les super-héros usent de leurs super-pouvoirs pour tenter d’arrêter Thanos et ses séides, au prix de massacres et de destructions massives.

Peut-être s’agit-il simplement de faire table rase d’une gamme de personnages et de situations qui ont fait leur temps. Le 3 mai 2019, quand on saura si Thanos l’a vraiment emporté, Disney devrait avoir terminé son absorption de la Fox. Les derniers personnages Marvel qui échappent encore à son contrôle, X-Men et les 4 Fantastiques, seront rentrés au bercail. Il restera bien quelques villes, quelques planètes à détruire.

Avengers : Infinity War - Bande-annonce officielle (VF)
Durée : 02:29

Film américain d’Anthony et Joe Russo avec tout le monde sauf Meryl Streep, George Clooney et Bill Murray (2 h 35, dont dix minutes de générique). Sur le Web : disney.fr/films/avengers-infinity-war et marvel.com/avengers

Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 25 avril)

  • Marion, film français d’HPG (à ne pas manquer)
  • Milla, film français et portugais de Valérie Massadian (à ne pas manquer)
  • Bottle Rocket (1996), film américain de Wes Anderson (à voir)
  • Foxtrot, film allemand, français et israélien de Samuel Maoz (à voir)
  • Land, film français, italien, mexicain et néerlandais de Babak Jalali (à voir)
  • Mai 68, la belle ouvrage, documentaire français de Jean-Luc Magneron (à voir)
  • Nobody’s Watching, film américain, argentin, brésilien, colombien, espagnol et français de Julia Solomonoff (à voir)
  • Transit, film allemand de Christian Petzold (à voir)
  • Amoureux de ma femme, film français de Daniel Auteuil (pourquoi pas)
  • Avengers: Infinity War, film américain d’Anthony et Joe Russo (pourquoi pas)
  • Ciao Ciao, film chinois et français de Song Chuan (pourquoi pas)
  • La Route sauvage, film américain d’Andrew Haigh (pourquoi pas)
  • La Vita possibile, film italien et français d’Ivano De Matteo (on peut éviter)

Nous n’avons pas vu :

  • Le Bateau ivre, film français de Dominique Philippe
  • Comme des garçons, film français de Julien Hallard
  • Mika et Sébastian, l’aventure de la poire géante, film d’animation danois de Jorgen Lerdam, Philip Einstein Lipski et Amalie Næsby Fick
  • Les Municipaux (ces héros), film français d’Eric Carrière et Francis Ginibre
  • Une femme heureuse, film britannique de Dominic Savage