Sarah Belouezzane, journaliste chargée des questions sociales au « Monde », a répondu aux questions d’internautes sur la publication des chiffres du chômage, désormais trimestrielle. Selon le service de statistiques du ministère du travail, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (sans aucune activité et tenus de chercher un emploi) s’est réduit de 33 300 personnes au premier trimestre en France métropolitaine. Soit une baisse de 1 % sur les trois premiers mois de l’année et de 1,4 % sur un an.

Johnny : Que change le fait de publier les résultats du chômage sur un rythme trimestriel et non plus mensuel ? Est-ce que cela permet réellement d’avoir plus de recul sur la signification de ces chiffres ? Ou est-ce surtout un bon coup de com’ ?

Sarah Belouezzane : Le rythme mensuel était considéré comme un non-sens pour les économistes et les statisticiens. Les variations d’un mois à l’autre pouvant, par exemple, relever d’une marge d’erreur. Par ailleurs, ces variations étaient telles qu’elles ne signifiaient plus rien d’un mois à l’autre, il fallait prendre du recul et considérer les chiffres sur des périodes plus longues. La publication trimestrielle semble donc plus pertinente.

Géraldine : Comment le gouvernement explique-t-il cette baisse du nombre de demandeurs d’emploi ?

Contrairement à ce qui se faisait sous François Hollande, le gouvernement actuel a décidé de ne plus commenter ces chiffres afin de ne pas être tenu directement comptable de leur évolution. Et donc de ne plus chercher à expliquer la baisse ou la hausse à chaque fois.

Ngulo : Pourquoi mettre en lumière la diminution des chômeurs en catégorie A ? Alors que le mettre en rapport avec l’augmentation des chômeurs en catégorie B et C (donc de l’augmentation des contrats précaires) serait plus significatif.

Les observateurs scrutent toujours la catégorie A, celle des personnes sans emploi tenues d’en chercher un. Quand on parle du nombre de chômeurs, c’est surtout ces personnes qui sont concernées. Il est donc nécessaire de rendre compte de leur nombre. Cela dit, évoquer les autres catégories peut être intéressant dans un cas, comme celui de ce trimestre, où ils ont vu leur nombre augmenter. Cela dit des choses de l’état du marché du travail.

R. Franz : Schématiquement, quelles parts des améliorations constatées ces derniers mois sont liées à l’action du gouvernement actuel, à l’effet de la reprise mondiale ou encore aux mesures prises sous le quinquennat Hollande ?

C’est très difficile à dire pour l’instant. Emmanuel Macron n’est en poste que depuis un an maintenant et les effets de ses réformes ne se font pas encore clairement sentir. Cela dit, certains parlent d’un retour de la confiance qui remplirait les carnets de commande des entreprises et pousserait donc celles-ci à embaucher. Mais cet effet est minime. La reprise mondiale et, dans une moindre mesure, les crédits de cotisation accordés par François Hollande aux entreprises doivent jouer un plus grand rôle dans cette amélioration de la situation.

Jimmy : On peut se réjouir que les chômeurs de catégorie A diminuent, mais ceux de catégorie B et C augmentent. Ne va-t-on pas vers une précarisation de l’emploi ?

La question est légitime. Pendant longtemps, la France a géré la crise en augmentant le taux de CDD et de temps partiels dans les embauches. C’était une façon pour les employeurs de « flexibiliser » à leur façon le marché du travail. Cependant, il semble, aujourd’hui, que le taux de CDI dans les recrutements soit en augmentation : les Urssaf, les organismes qui collectent les charges sociales, ont enregistré une hausse de 0,8 % des embauches en CDI au premier trimestre.

ABM : Les chiffres de l’OIT ne sont-ils pas plus fiables que ceux de Pôle emploi ?

Vous avez tout à fait raison. Il est admis par tous les économistes que les chiffres publiés par l’Insee sont les plus fiables. Ce sont eux qui sont utilisés pour les comparaisons internationales.

Marc : Quelles catégories de personnes souffrent le plus du chômage ?

Il est très difficile de répondre à cette question. Le chômage est souvent très mal vécu par tous ceux qui en font l’expérience.

Bruno : Connaissez-vous le taux de chômage en France à l’issue de cette baisse de 1 % du nombre de chômeurs. D’après vous, cette baisse est-elle encourageante ou dérisoire ?

Toutes les baisses sont encourageantes. Mais le taux de chômage n’a rien à voir avec le nombre de demandeurs d’emploi publié désormais tous les trimestres par les services statistiques du ministère du travail. Le second dépend des actualisations à Pôle emploi quand le premier est, en fait, une enquête faite tous les trimestres par l’Insee selon des critères précis. Le taux de chômage, qui est aujourd’hui connu, est celui publié le 15 février et portant sur le dernier trimestre de l’année 2017. Il se porte à 8,9 %.

Deemo : Cette baisse n’est-elle pas artificielle étant donné l’augmentation du travail à temps partiel ? Finalement, il n’y a pas plus de travail en France, mais beaucoup de gens sont contraints de moins travailler…

Elle n’est pas artificielle dans la mesure où une distinction bien claire est faite entre les catégories A (sans travail et tenus d’en chercher) et les B et C (à activité réduite).

Pistol : Une personne à la recherche d’un emploi n’est pas obligatoirement inscrite à Pôle emploi. Par conséquent, quel est le sens de ce rituel d’annonce du chiffre du chômage ?

C’est la raison pour laquelle les chiffres de l’Insee sont considérés comme plus significatifs. Ils ne tiennent pas compte des personnes inscrites à Pôle emploi, mais uniquement des critères d’absence d’emploi, de disponibilité et de recherche.

Fabien : Vous dites « Les observateurs scrutent toujours la catégorie A (…). Quand on parle du nombre de chômeurs, c’est surtout ces personnes qui sont concernées… » Vous ne faites pas partie des observateurs ? Une personne de 58 ans, sans emploi depuis quatre ans et qui a arrêté de chercher par désespoir il y a quelques mois, n’est pas considérée comme chômeuse au sens du BIT. Pensez-vous vraiment qu’il est raisonnable de ne pas l’inclure dans les chiffres du chômage ? N’est-ce pas votre rôle de considérer que cette définition est absurde et de donner des chiffres correspondant à la réalité et pas à une façon biaisée de compter la réalité ?

Nous donnons les chiffres que les différents instituts de statistiques produisent, nous les analysons avec l’aide des économistes et des spécialistes académiques et légitimes des sujets. Et nous tentons de rendre compte de la complexité de la situation, en évoquant, par exemple, l’augmentation ou la baisse du nombre de personnes découragées qui, en effet, sortent des statistiques mais demeurent comptabilisées dans le « halo autour du chômage ». Pour autant, nous n’avons pas les moyens de produire nous-mêmes des statistiques et tel n’est pas notre rôle.

Joe lindien : Qu’en est-il du chômage des jeunes ?

Il a baissé de 0,3 % au premier trimestre, de 3,9 % sur un an.

SBL : Les mouvements sociaux actuels pourraient-ils jouer en défaveur des prochains résultats ?

Il n’y a pas de raison à cela. Mais il faudrait voir quels impacts ils auront sur la croissance qui, elle, a un effet à retardement sur l’emploi.