Documentaire sur France 5 à 20 h 55

Ils sont aujourd’hui près d’un million en France. Dans les années à venir, vieillissement de la population oblige, ils seront de plus en plus nombreux. Jugés vulnérables, psychiquement fragiles, physiquement diminués, a priori incapables de gérer leurs comptes ou de prendre des décisions importantes, des femmes et des hommes de tous âges et d’origines sociales très diverses sont placés sous tutelle ou curatelle plus ou moins renforcée. Cette décision lourde de conséquences est prise par des juges spécialisés dans des affaires sensibles, mais débordés par l’afflux de dossiers et le manque flagrant de moyens.

Le système est évidemment censé protéger, mais si l’on en juge par les cas analysés dans ce documentaire, il aboutit trop souvent à des spoliations et à des mises en danger scandaleuses. Judiciairement, la mise sous tutelle ou sous curatelle place les personnes concernées sous l’autorité d’un tuteur. Qui prend de fait le pouvoir. Dans la pratique, on trouve parfois des médecins peu conciliants, des psychiatres peu sensibles, ou encore des marchands de biens peu scrupuleux qui, profitant de la situation, enfoncent encore un peu plus des personnes privées par la loi du libre accès à leur propre patrimoine.

Ne plus pouvoir disposer comme on l’entend de ses biens est violent, mais c’est plus globalement l’atteinte à la dignité qui fait mal. Une plainte qui revient sans cesse, qu’il s’agisse d’individus aisés ou pauvres. Sans oublier les lourds enjeux familiaux qui se font jour lorsque l’un des membres est placé sous tutelle ou curatelle.

Des profils variés

Mais il n’y a pas que des personnes âgées miséreuses, ayant vraiment perdu la tête, qui sont placées sous tutelle ou sous curatelle. Et c’est bien ce qui rend la situation actuelle inquiétante. Le documentaire d’Olivier Pighetti fait froid dans le dos, tant les cas évoqués, très différents, dévoilent des situations difficilement tolérables. La force de cette enquête tient justement aux profils variés des histoires présentées. A priori, pas grand-chose en commun entre Gilbert, 83 ans, ancien chef d’entreprise privé d’une grande partie de sa confortable retraite, Nathalie, artiste peintre de 58 ans en rage contre sa situation, Agathe et sa mère de 84 ans, ou encore Gilles, 83 ans, et son épouse handicapée.

Chaque cas est décortiqué et analysé. Pourquoi en est-on arrivé là ? Que cache telle mesure vexatoire ? Face à la loi, qui paraît parfois si injuste, si décalée, certaines personnes mises sous tutelle et sous curatelle sont aidées dans leur combat par des associations. Les graves dysfonctionnements étant de plus en plus nombreux (abus de confiance, détournements en tous genres, mauvaise gestion des comptes, ventes immobilières injustifiées…), des associations comme l’Afcat (Association contre les abus tutélaires) croulent sous les dossiers. Et la situation ne semble pas être en voie de s’améliorer.

Gilles, 83 ans, et son épouse handicapée témoignent dans « Sous tutelle… ». / FRANCE 5

Comment la France, qui privilégie un système visiblement inadapté, plaçant des gens sous tutelle ou curatelle trop facilement alors que la situation ne l’exige pas, va-t-elle régler dans les années à venir un problème de société aussi vaste, complexe et douloureux ? Aujourd’hui, trop souvent, la mise sous protection ne fait que fragiliser davantage des situations délicates. Et ses effets pervers font visiblement des ravages.

Sous tutelle…, d’Olivier Pighetti (Fr., 2018, 65 min).