Entraînement de la sélection nationale française de cheerleading à Villenave-d’Ornon. / Laetitia Béraud

La porte entrouverte du gymnase laisse échapper des airs de pop américaine. Les consignes sont distillées en anglais : « Partner stunt ! One, three, five, seven ! » Depuis plusieurs mois, Villenave-d’Ornon (Nouvelle-Aquitaine) passe à l’heure américaine tous les week-ends. C’est dans cette ville au sud de Bordeaux que s’entraîne la première sélection nationale de l’histoire du cheerleading en France.

Les 25 athlètes représentent la France aux championnats du monde, qui se déroulent du 24 au 27 avril, aux Etats-Unis. Jusqu’ici, la tâche revenait à l’équipe vainqueur du championnat national. Les figures s’enchaînent, les flyers (voltigeurs) montant sur les épaules de leurs partenaires. Quand la musique s’arrête, le pas est moins assuré, les enchaînements moins rythmés. « Vous êtes de vraies divas », plaisante une des entraîneuses. Et les chansons repartent de plus belle. Grand écart, sauts et pyramides aussi.

Sport venu des Etats-Unis, mélange de gymnastique et de danse, le cheerleading est plus connu en France sous le nom de « pom-pom girls ». On compte plus de 3 000 licenciés en 2018 répartis dans 88 clubs dans le pays. La discipline a trouvé sa place au sein de la fédération de football américain. Elle a même reçu l’agrément du ministère des sports en 2008, mais pas la reconnaissance de sport de haut niveau, nouvel objectif pour la fédération.

Sans pom-pom ni jupettes

Le cheerleading est un sport physique, précis et très technique. Sur certains lancers, les flyers peuvent sauter jusqu’à six mètres de haut. Une mauvaise impulsion, une trajectoire mal contrôlée, et c’est la chute. Lors des compétitions internationales, 20 juges examinent les routines des équipes. Celles-ci doivent comprendre cinq éléments : le tumbling (gymnastique acrobatique au sol), des portés (le nombre de porteurs définit la difficulté), une pyramide (un ensemble de portés), des lancers et de la danse (non obligatoire en compétition internationale).

L’esthétique joue aussi un rôle essentiel. « Il y a un côté spectacle et paillettes, on ne va pas se mentir », conçoit Elodie Mommessin, la capitaine des bleus qui veut mettre en avant l’effort physique que demande la discipline. « C’est un mix de plusieurs sports, de la gymnastique dans les portés… il y a besoin de force, et un côté danse plus artistique, c’est ça qui me plaît », précise-t-elle.

La Bordelaise affiche fièrement son uniforme bleu aux couleurs de la France. Pas de jupe en compétition. Les shorts leur sont préférés. Quant aux fameux pom-pom, ils sont seulement utilisés pendant la première partie des shows, le scand quand les « pom-pom girls » appellent le public à chanter.

Un sport mixte

L’entraîneuse Marion Crochet. / Laetitia Béraud

La plupart des athlètes rejettent ce terme de « pom-pom girls » plein de préjugés. Notamment, car la discipline est loin d’être réservée aux filles. En bas des pyramides, on retrouve les « bases », souvent des hommes. Parmi les bleus à l’entraînement, Jordan Soler dépasse facilement d’une tête ses coéquipiers. Le co-capitaine est un ancien rugbyman. C’est sa sœur qui l’a convaincu de devenir cheerleadeur.

« Je n’ai pas assumé au début, je me suis fait chambrer. Les gens voient les pom-pom, ils ne voient pas l’effort physique », raconte-t-il. A 25 ans, il s’inspire des portés sur les touches au rugby pour entraîner les flyers.

Et puis à l’origine de ce sport, il y a… des hommes. La discipline est née dans les universités américaines à la fin du XIXsiècle pour « mener les encouragements » (to cheer, encourager ; to lead, mener). Le cheerleading était alors plutôt pratiqué par des hommes jusqu’à la seconde guerre mondiale. Plusieurs anciens présidents des Etats-Unis s’y sont d’ailleurs essayés, parmi les plus connus : George W. Bush, Dight Eisenhower, Franklin Roosevelt ou Ronald Reagan.

Ce dimanche d’avril, c’est la première fois que les cheerleadeurs montrent leur full out, la routine complète devant un public. La prestation impressionne. Les spectateurs frémissent à chaque lancer et porté. « Vous trouvez ça impressionnant et beau, jusqu’à ce que ce soit votre fille qui saute et là… », commente une spectatrice, anxieuse. Sa fille vient d’effectuer un salto dans les airs avant de retomber dans les bras de ses partenaires.

Un sport bientôt aux Jeux olympiques ?

Dans un coin du gymnase, Melissa Signor observe avec attention l’entraînement. Cette ancienne cheerleadeuse américaine et juge internationale est la technicienne de l’équipe. C’est déjà elle qui avait emmené pendant plusieurs années les champions de France aux mondiaux : les Cheers Excess de Charenton-le-Pont.

« En France, il y a beaucoup d’envie et de passion autour de ce sport, mais on manque d’expérience », confie-t-elle. « Nous sommes très en retard ». La coentraîneuse a étudié les fiches de notation et scores des précédents championnats du monde. Aucun élément de la routine ne doit être superflu, tout doit rapporter des points.

A Orlando, cette semaine, le défi est immense pour les Bleus. Ils ne concourent pas dans la même catégorie que les Américains, presque intouchables avec leurs pyramides à trois étages.

Mais l’objectif est ailleurs. Quarante nations sont représentées, 11 000 athlètes présents toutes catégories confondues. Ces Mondiaux sont une nouvelle démonstration de force à destination du Comité international olympique. Depuis 2016, celui-ci a donné une reconnaissance provisoire à ce sport qui se rêve déjà aux Jeux olympiques. Pourquoi pas dès Paris 2024 ?