Dans le village de Panmunjom, à la frontière entre les deux Corées, qui accueillera un sommet entre Nord et Sud, le 26 avril. / Hwang Kwang-mo / AP

« Les miracles n’arrivent jamais miraculeusement. Le sommet intercoréen est le fruit d’une grande patience, de larmes et de prières. » C’est avec une certaine emphase que Choo Mi-ae, présidente du Parti Minjoo (démocrate), au pouvoir en Corée du Sud, s’exprimait mercredi 25 avril à Séoul où une campagne d’affichage et de vidéos salue l’organisation du sommet entre le président sud-coréen Moon Jae-in et le dirigeant du nord Kim Jong-un. « Laissons ce miracle se poursuivre et finissons la guerre de Corée [1950-1953] pour bénéficier d’une véritable paix » lançait-elle.

L’administration de M. Moon entend profiter du sommet pour tenter de « remplacer le régime de l’armistice sur la péninsule coréenne par un régime de paix ». Non signée par la Corée du Sud, l’armistice de 1953 n’a instauré qu’un simple cessez-le-feu.

S’il y parvient, Moon Jae-in aura concrétisé une ambition ancienne : la relance d’un dialogue avec Pyongyang, dix ans après l’abandon par le président conservateur Lee Myung-bak (2008-2013) de la politique de rapprochement dite du « rayon de soleil », et avec elle l’affirmation de l’autorité des Coréens sur leur propre destin.

« Les problèmes de la Corée doivent être traités par la Corée », déclarait-il avant son élection en mai 2017. « Personne n’a le droit de décider d’une action militaire dans la péninsule sans l’accord de la Corée du Sud », ajoutait-il en août, au plus fort des tensions qui agitaient la péninsule, alors que Pyongyang enchaînait les essais de missiles et que Donald Trump s’emportait sur Twitter.

En discutant directement avec Kim Jong-un, il inscrit son action dans la lignée de celle de Kim Dae-jung (1998-2003), initiateur du premier sommet intercoréen de 2000 et de Roh Moo-hyun (2003-2008), qui avait organisé celui de 2007. Ces deux présidents avaient rencontré Kim Jong-il (1941-2011), le père de Kim Jong-un.

« Comédie de la paix intercoréenne »

M. Moon va même plus loin puisque la rencontre du 27 avril se tiendra en territoire sud-coréen – une première pour un dirigeant du Nord depuis la guerre de Corée – les deux premiers ayant eu lieu à Pyongyang.

Afin de souligner la continuité, Séoul a multiplié les symboles pour « rendre hommage à ceux qui ont œuvré à la paix et à l’unification de la péninsule ». Les mets servis lors du repas prévu avec Kim Jong-un seront préparés avec des ingrédients des régions natales de MM. Kim et Roh. Il y aura des nouilles froides naengmyeon du célèbre restaurant Okryugwan de Pyongyang et du rösti, une spécialité suisse rappelant que Kim Jong-un a été à l’école à Berne.

Egalement dans la lignée de Kim Dae-jung et de Roh Moo-hyun, les choix du président Moon confirment une reconnaissance de la Corée du Nord comme pays doté d’un régime légitime, et de Kim Jong-un comme partenaire incontournable des discussions. Ce choix, qui pourrait être indispensable pour négocier un accord de paix, va à l’encontre du principe en vigueur au Sud comme au Nord, selon lequel l’autre Corée est illégitime. La Constitution sud-coréenne stipule ainsi que son territoire « comprend la péninsule de Corée et les îles adjacentes » et que Séoul « recherche l’unification ».

Les positionnements de M. Moon sont critiqués par le camp conservateur, qui redoute un allégement des sanctions contre le Nord. Hong Joon-pyo, dirigeant du Parti de la liberté en Corée (LKP), principale formation de l’opposition, considère les sommets comme des « shows politiques ». « Si la Corée du Nord n’abandonne pas ses armes nucléaires, tout accord entre les deux Corées ne fera que bénéficier à l’ennemi », écrivait-il le 23 avril sur Facebook. Pour lui, la « comédie de la paix intercoréenne de l’administration Moon affaiblit l’alliance avec les Etats-Unis ». Et d’ajouter : « Cela me rappelle l’accord de Munich de Chamberlain en 1938. »

Mais ces attaques portent peu, du fait de l’incapacité des conservateurs à apporter une réponse autre que la condamnation face au développement par Pyongyang de ses programmes nucléaire et balistique au cours de leur décennie au pouvoir. La cote de popularité de M. Moon a progressé d’un point en une semaine, pour atteindre 67,8 % le 24 avril, selon un sondage de Realmeter, principalement en raison des attentes placées dans le sommet.