Emmanuel Macron devant le Congrès, à Washington, le 25 avril. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Il y a la gestuelle, et puis il y a le fond. En diplomatie, les deux ont un sens, mais la première ne peut l’emporter sur le second. C’est ce que l’on a pu craindre, pendant les deux premiers jours de cette très médiatique visite d’Etat du ­président Emmanuel Macron aux Etats-Unis, du 23 au 25 avril. Au troisième jour, le chef de l’Etat français a rétabli l’équilibre devant le Congrès américain avec un discours franc et massif, à la limite de la bru­talité, en forme de plaidoyer pour toutes les valeurs foulées au pied par son hôte, le ­président Donald Trump.

M. Macron aurait eu tort de se priver de rappeler que, le même jour, le 25 avril 1960, son plus illustre prédécesseur, le général de Gaulle, s’était exprimé à la même tribune : c’était une façon de reprendre de la hauteur. Le général de Gaulle avait alors pour interlocuteur, à Washington, un autre général, Dwight Eisenhower. Les deux présidents ne se prenaient pas par la main, ne se faisaient pas la bise, ne faisaient pas mine d’épousseter le revers de la veste de l’autre en ironisant : « Il faut qu’il soit parfait. » Ils ne tweetaient pas. C’était, d’une certaine manière, plus simple. A trop vouloir jouer sur le paradoxe de sa proximité avec Donald Trump, Emmanuel Macron s’est pris à son propre piège : certaines des images qui resteront de cette visite ne sont pas particulièrement à son honneur – l’honneur de Donald Trump étant, lui, tombé au champ lexical de l’oxymore.

Valeurs européennes

Devant le Congrès, M. Macron a cherché à élever le débat. Dans le droit-fil du discours prononcé une semaine plus tôt devant le Parlement européen de Strasbourg, le président français s’est posé en héraut des valeurs européennes, qui apparaissent de plus en plus comme une vision alternative à celle que tente d’imposer le président Trump dans un monde fracturé. Face au nouvel unilatéralisme américain, M. Macron a défendu le multilatéralisme et ses institutions, créés par les Etats-Unis eux-mêmes. Face au protectionnisme, il a plaidé pour un commerce ouvert. Face au nationalisme et à « la fascination pour le pouvoir fort », il a évoqué la démocratie et les valeurs progressistes. Enfin, il a déployé son énergie pour exposer aux élus américains des deux Chambres, réunies pour l’écouter, les raisons pour lesquelles les Etats-Unis devaient rejoindre l’accord de Paris sur le climat et ne pas jeter aux orties l’accord sur le nucléaire iranien.

Que retirera-t-il de ces trois jours ? Traditionnellement, une visite d’Etat est avant tout une occasion politique et protocolaire de souligner les liens entre deux pays, pas un temps de négociation ardue et de signature d’accords. Il était donc excessif d’attendre que M. Macron revienne de Washington avec, en poche, la solution au casse-tête de l’accord iranien. Cette visite offrait la possibilité au président français de s’affirmer un peu plus sur la scène mondiale comme le principal défenseur, au nom de l’Europe, d’un ordre international menacé, et il l’a saisie.

Sur l’Iran, il a eu la lucidité de reconnaître que M. Trump ne renoncerait sans doute pas à sa promesse de campagne de quitter l’accord conclu en 2015 par Barack Obama. Mais les deux présidents semblent avoir avancé sur la base du travail accompli par les diplomates européens depuis janvier, avec leurs collègues américains, pour trouver une issue à cette impasse. La chancelière Angela Merkel, attendue vendredi à Washington, poursuivra cet effort.

Au Congrès américain, Macron dénonce le nationalisme et la guerre commerciale
Durée : 01:52