La première étape est à peine franchie qu’ils attendent déjà la suivante : le verdict d’Emmanuel Macron. Jeudi 26 avril, quelques heures après la remise du rapport de Jean-Louis Borloo au premier ministre, plusieurs centaines d’élus et d’associations de banlieue étaient rassemblés dans un gymnase du 19e arrondissement de Paris, à l’occasion de la cinquième édition des Etats généraux de la politique de la ville. « C’est un plan d’attaque exceptionnel, s’est félicité Jean-Philippe Acensi, président du mouvement Bleu Blanc Zèbre, qui a contribué à l’élaboration du projet. Nous sommes à la mi-temps, on attend l’avis du président de la République. »

La présentation de ce rapport, intitulé « Vivre ensemble – vivre en grand la République », était attendue depuis plusieurs semaines. Sa remise en catastrophe, jeudi, a pris tout le monde de court et étonné certains, qui se demandent pourquoi « le rapport n’a pas été remis à celui qui l’avait commandé [le chef de l’Etat] ». « Cela fait des mois que nous travaillons à ces propositions, il était important de les présenter sans attendre pour montrer que ça avance, c’était urgent », estime Stéphane Gatignon, maire démissionnaire de Sevran (Seine-Saint-Denis), qui a fustigé « le mépris de l’Etat » envers les quartiers populaires à l’annonce de son départ, fin mars.

Entre l’exécutif et les maires des territoires urbains défavorisés, le torchon brûle depuis le mois de juillet 2017. Accablés par les annonces des coupes budgétaires, du gel des emplois aidés et de la baisse de l’aide personnalisée au logement, ces derniers s’étaient réunis, avec les associations de terrain, pour faire entendre leur colère lors de la première édition des Etats généraux de la politique de la ville, mi-octobre. Un mouvement inédit et transpartisan baptisé l’« appel de Grigny ».

« Pas à Borloo de décider »

Un mois plus tard, lors de son discours de Tourcoing (Nord), Emmanuel Macron avait invité tous les acteurs de terrain à s’engager dans une démarche de coconstruction et mandaté l’ancien ministre de la ville et « père » de la rénovation urbaine, Jean-Louis Borloo, pour lui proposer un plan de bataille en faveur des quartiers populaires. Une approche destinée à donner un nouvel élan à la politique de la ville, qui venait de souffler ses quarante bougies dans un contexte particulièrement tendu.

« En nous poussant à réagir face à une série de mesures brutales, ils ont créé une bande, commente Philippe Rio, maire (PCF) de Grigny (Essonne), qui attend de Macron qu’« il prenne tout, la totalité des recommandations de Borloo ». Le noyau dur – composé de Bleu Blanc Zèbre et d’une dizaine d’élus de toute la France et de toutes les couleurs politiques (Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, Allonnes, dans la Sarthe, Roubaix, dans le Nord, Arras, dans le Pas-de-Calais, Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon, La Seyne-sur Mer, dans le Var…) – est devenu un acteur qui prend du poids et donne de la voix. « On se connaissait à peine, aujourd’hui, on se voit toutes les semaines et on s’appelle presque tous les jours, poursuit M. Rio. En fait, nous avons créé une start-up. Nous avons coconstruit ce rapport et nous n’allons pas nous arrêter là. »

Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a qualifié les préconisations de Borloo de « base de travail ». « Ce n’est pas à Borloo de décider », a-t-il insisté sur la chaîne LCP. Un rapport destiné à « nourrir le futur plan présidentiel », a, de son côté, précisé le premier ministre, Edouard Philippe.

Hier, aux Etats généraux, face à une assemblée qui attend beaucoup de l’exécutif, le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, et le secrétaire d’Etat, Julien Denormandie, se sont, quant à eux, appliqués à donner des gages de bonne volonté. « On ne lâchera rien », a assuré ce dernier. « C’est un enjeu national », a martelé le premier au micro. « On va continuer à se voir et à construire ensemble », a-t-il ajouté, tout en précisant que ce sera à l’exécutif de « trancher ». Le chef de l’Etat devrait s’exprimer sur le sujet le 22 mai.