La maquette de la Terre exposée au pavillon de l’Inde, le 6 novembre 2017, lors de la Conférence COP23 des Nations unies sur les changements climatiques, à Bonn. / PATRIK STOLLARZ / AFP

A quel rythme les négociateurs réunis jusqu’au 10 mai à Bonn, en Allemagne, vont-ils mener leurs travaux ? Cette question, récurrente à chaque début de session de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), devrait prendre une acuité particulière cette année. Car les délégués des 195 pays signataires de l’accord de Paris visant à contenir le réchauffement sous le seuil des 2 °C savent que le temps est compté.

A l’extérieur de la bulle du Convention Center de Bonn où vont siéger les représentants des nations, l’état de la planète se dégrade. Ces trois dernières années ont été les plus chaudes dans l’histoire des relevés météo, a rappelé l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans un rapport rendu public fin mars. « Le début 2018 a continué là où 2017 s’était terminée, avec des épisodes extrêmes qui coûtent des vies et détruisent des moyens de subsistances », écrit Petteri Taalas, le secrétaire général de cette agence.

L’OMM souligne par ailleurs que les concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sont désormais supérieures à 400 parties par million, tandis que plusieurs études concluent à une nouvelle hausse des émissions de CO2 en 2017.

Règles de transparence

Les délégués ont aussi en tête un autre calendrier, celui du secrétariat de la CCNUCC, qui leur demande de tenir les délais d’ici à la prochaine conférence climat, la COP24, prévue en décembre à Katowice, dans le Sud de la Pologne. C’est dans cette ville que doit être adopté le « rule book », c’est-à-dire les règles de mise en œuvre de l’accord de Paris. Ce mode d’emploi doit notamment définir le contenu des contributions nationales des pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et les règles de transparence que les Etats devront suivre pour rendre compte de leurs actions et de leurs financements en faveur du climat.

Il doit préciser également les contours du bilan mondial, auquel vont s’astreindre les pays tous les cinq ans à partir de 2023. Mais ces discussions ne progressent pas au même rythme : le document relatif au bilan mondial tient en moins de dix pages, alors que celui sur la transparence en comporte près de cinquante.

Pour faire face à l’hétérogénéité de ces négociations et aux réticences de grands acteurs – les Etats-Unis ont annoncé leur intention de se retirer de l’accord ; la Russie, la Turquie et l’Arabie saoudite n’ont toujours pas ratifié le texte –, l’institution onusienne envisage d’ajouter une session de travail supplémentaire, en septembre, à Bangkok. Cette option n’est pas sans risque : elle pourrait inciter certains pays à ne dévoiler leurs positions qu’à l’automne et vider ainsi de leur substance les discussions qui s’ouvrent le 30 avril.

Ce choix aurait un coût financier, alors que la CCNUCC doit déjà pallier au refus de paiement de Washington. Elle peut compter en revanche sur la générosité de la fondation Bloomberg Philanthropies, qui, le 22 avril, a versé 4,5 millions de dollars à la Convention-cadre, comme elle s’y était engagée en 2017.

Vives tensions sur les financements

Mais cette bonne nouvelle ne suffira pas à atténuer les tensions toujours très vives sur les financements climat. Les Etats développés sont régulièrement pointés du doigt pour ne pas honorer leur promesse de porter à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 leur aide aux pays du Sud.

Un autre engagement de l’accord de Paris a empoisonné les débats de la COP23 en Allemagne en 2017, celui de la « prévisibilité » des financements sur lesquels pourront compter les nations en développement. « C’est une question légitime pour les pays du Sud, mais on ne peut pas non plus faire l’impasse sur les contraintes budgétaires réelles de certains pays du Nord, commente Lucile Dufour du Réseau action climat (RAC). Il faut lutter contre cette défiance » qui pourrait paralyser les travaux de Bonn, met en garde la responsable négociations internationales et développement de cette association.

Un autre point pourrait tendre les discussions : le souhait de plusieurs pays en développement de voir apparaître un principe de « bifurcation » dans l’application de l’accord de Paris. Il s’agirait de tracer une voie pour les Etats du Nord, obligés de réduire leurs émissions polluantes, une autre pour ceux du Sud, invités à agir à leur rythme et selon leurs moyens. « C’est un sujet très sensible, note la responsable du RAC, cela reviendrait à accepter une mise en œuvre à deux vitesses de l’accord de Paris », contraire à l’esprit du texte adopté durant la COP21, fin 2015. Selon de nombreux observateurs, les pays en développement brandissent cette menace dans l’espoir d’obtenir des moyens financiers et techniques supplémentaires.

La dernière inconnue de ces négociations climat réside dans la capacité des îles Fidji, qui président les débats jusqu’en décembre, à imposer des solutions de compromis. Le petit Etat insulaire va roder, à Bonn, le format d’échanges validé à la COP23 : le dialogue de Talanoa. La première étape est prévue dimanche 6 mai, avec l’organisation de dix-huit tables rondes sur l’état des lieux et les stratégies de long terme. A chacun de ces ateliers prendront part trente Etats et cinq acteurs non étatiques. Ces séances seront fermées au public, regrettent toutefois les ONG, inquiètes du peu d’espace laissé à la société civile.