« Damascus Time » fait l’éloge de l’engagement iranien en Irak et en Syrie contre les combattants de l’organisation Etat islamique. / CAPTURE D’ÉCRAN

Finie l’époque où les grandes affiches, accrochées dans les artères iraniennes, et les vidéoclips, la plupart du temps de mauvais goût, étaient les seuls relais de la propagande de la République islamique d’Iran. Aujourd’hui, d’énormes moyens financiers et technologiques sont déployés pour réaliser des documentaires, films et séries télévisées prônant les vertus de la politique de Téhéran, notamment son engagement militaire en Syrie et en Irak.

C’est le cas du film Damascus Time (« heure de Damas »), à l’écran depuis le 14 mars dernier en Iran et en deuxième position au box-office, avec 5,85 milliards de tomans de recettes (soit presque un million d’euros), selon les chiffres publiés le 6 avril. Un véritable succès pour un blockbuster aux accents propagandistes qui témoigne, avant tout, de la nette amélioration des qualités strictement cinématographiques de ce genre de productions.

Damascus Time - Movie Trailer
Durée : 00:55

Damascus Time, du célèbre réalisateur Ebrahim Hatamikia, pur partisan de la République islamique, retrace l’épopée héroïque d’un père et de son fils, tous les deux pilotes iraniens, piégés lors d’une opération humanitaire en Syrie par les combattants de l’organisation Etat islamique (EI).

Au début du film, le fils (interprété par Babak Hamidian, une superstar du cinéma iranien) questionne l’engagement du père envers un Etat étranger, bien loin des frontières de son pays. Le jeune personnage est censé représenter les citoyens opposés à l’action de Téhéran en Syrie. Mais, au fil de l’histoire, il prend conscience de la dangerosité de l’EI, et finit par se sacrifier pour empêcher une attaque-suicide à l’avion.

Codes du cinéma d’action

Ce long-métrage respecte tous les codes du cinéma d’action. Mais son message est clair : « Sans les défenseurs des mausolées, nous aurions eu à affronter, tous les jours en Iran, esclavage, emprisonnement et sauvagerie de la part de Daech », soutient le documentariste Reza Farahmand, proche du pouvoir, dans un récent entretien accordé au quotidien Javan au sujet de ce genre de productions.

Derrière « Damascus Time », dont le budget s’élève à 8 milliards de tomans (1,3 million d’euros), se trouve l’organisation artistique et médiatique OWJ, lancée en 2011 sous la présidence de l’ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Cette structure est financée, au moins en partie, par des fonds des Gardiens de la révolution, le bras armé de la République islamique.

Messages politiques à un large public

Un lien dont OWJ ne se cache guère. « Je suis fier d’avoir reçu de l’argent des Gardiens de la révolution pour nos productions et non pas des ambassades étrangères », a déclaré, en février dernier, son directeur, Ehsan Mohammad-Hassani. Une attaque visant, semble-t-il, le grand cinéaste iranien Asghar Farhadi – qui fera l’ouverture du festival de Cannes –, primé à l’étranger, et dont le long-métrage, Le Client (2016), avait bénéficié de l’aide financière du Festival du film de Doha.

Ces dernières années, OWJ a été très active au cinéma, mais aussi à la télévision. A travers notamment la cinquième saison de la série à succès Paytakht, « capitale » en persan. Diffusée pendant les vacances du Nouvel An iranien (le 20 mars), cette fiction relate les tribulations d’une sympathique famille iranienne qui, au lieu de profiter d’un séjour en Turquie, se retrouve face à des djihadistes en Syrie. Elle est l’œuvre de Siroos Moghaddam, réalisateur pourtant connu pour ses films comiques, légers, dénués de tout message politique et dont aucun ne laissait entrevoir d’affinités avec les valeurs portées par le pouvoir. Une preuve de la capacité d’OWJ à attirer des professionnels plus habiles, capables de faire passer des messages politiques à un public plus large, dépassant les habituels sympathisants purs et durs de l’idéologie de la République islamique d’Iran.