Le gouvernement britannique a finalement reculé. Faisant face à une défaite presque certaine à la Chambre des communes, il a accepté, mardi 1er mai, un amendement de l’opposition travailliste pour forcer ses territoires d’outre-mer à plus de transparence dans la lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. Ceux-ci vont devoir mettre en place un registre public des propriétaires de leurs entreprises d’ici à fin 2020.

Actuellement, de nombreux escrocs et autres évadés fiscaux utilisent ces coquilles vides juridiques pour dissimuler leur argent. Cela ne devrait plus être possible. « On va savoir qui possède quoi et où, explique Margaret Hodge, la députée travailliste qui a rédigé l’amendement. Nous serons ainsi mieux équipés pour lutter contre la corruption et le crime financier. » Rien qu’au Royaume-Uni, 85 000 propriétés sont actuellement possédées par des anonymes, qui se cachent derrière des sociétés enregistrées dans les territoires d’outre-mer.

Dès 2013, David Cameron, alors premier ministre (conservateur), avait exigé que ces quatorze territoires mettent en place de tels registres. Ceux-ci comprennent les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans ou encore les Bermudes, tous considérés parmi les juridictions les plus opaques de la planète, selon le classement de Tax Justice Network. Mais ils ont jusqu’à présent refusé, se réfugiant derrière leur autonomie.

L’argument constitutionnel pour ne pas légiférer

Pour les affaires intérieures, ils ont en effet leur propre gouvernement élu. Le Royaume-Uni a traditionnellement évité d’intervenir directement et les rares exceptions concernaient des questions de droits de l’homme : mettre fin à la peine de mort ou légaliser l’homosexualité. « Nous rejetons avec véhémence l’idée que nos gouvernements élus puissent être supplantés par le Parlement britannique », s’agaçait mardi le gouvernement des îles Vierges britanniques, dans un communiqué. « Toute son économie est en jeu » dans cette affaire, ajoute-t-il.

Jusqu’à présent, le gouvernement de Theresa May se retranchait derrière cet argument constitutionnel pour ne pas légiférer sur la question des registres. Mais Margaret Hodge a réussi à convaincre suffisamment de députés conservateurs – et l’ensemble des travaillistes et des indépendantistes écossais – pour que l’amendement ne puisse plus être arrêté. Plutôt que d’essuyer une sévère défaite à la Chambre des communes, l’exécutif britannique a préféré accepter la mesure.

Celle-ci ne sera pas une solution magique. L’amendement ne s’applique pas aux trusts et ne concerne pas les dépendances de la Couronne (Jersey, Guernesey, île de Man). « C’est une mesure nécessaire mais pas suffisante », reconnaît Margaret Hodge. Mais pour l’une des premières fois, Londres, qui est, selon elle, « au centre du plus grand réseau de juridictions opaques au monde », aura osé agir contre ses propres paradis fiscaux.