Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a fait plusieurs annonces mardi 1er mai. / JOSH EDELSON / AFP

« Il y a deux cents millions de personnes sur Facebook qui se définissent comme célibataires, donc, à l’évidence, il y a quelque chose à faire. » Et ce « quelque chose » sera un service de rencontres. C’est ce qu’a annoncé mardi 1er mai Mark Zuckerberg, le patron du réseau social, lors de l’ouverture de la conférence F8, grand événement annuel de Facebook. L’objectif, selon Mark Zuckerberg, est de bâtir des « relations durables, pas seulement des plans d’un soir ». Prévue pour être mise en service dans le courant de l’année, que sait-on aujourd’hui de cette plate-forme ?

Appelé « Dating » — du moins dans sa version anglaise, l’équivalent en français de « sortir avec quelqu’un qu’on aime » —, ce service sera intégré à Facebook et ne nécessitera pas l’installation d’une nouvelle application ou la création d’un nouveau compte. Mais Facebook se veut rassurant : le profil servant aux rencontres sera séparé du profil classique. En clair, les amis ne pourront rien voir des activités de l’utilisateur ou de l’utilisatrice dans le contexte de Dating. Et d’ailleurs, les personnes amies ne seront jamais suggérées dans le cadre de ce service, afin d’éviter des situations embarrassantes.

Des personnes inscrites au même événement

Les quelques images présentées lors de l’ouverture de la conférence F8 montre des similarités avec l’application Tinder. / Facebook

Concrètement, c’est par l’intermédiaire d’événements ou de groupes d’intérêt que la personne utilisant Dating pourra être mise en contact avec d’autres. Par exemple, si elle dit dans Dating se rendre à un concert, il lui sera alors suggéré plusieurs profils de personnes s’y rendant également.

L’interface semble assez proche de celle de Tinder et d’autres applications de rencontres populaires : large place accordée aux photos ; indication immédiate de l’âge ; petite phrase d’accroche… Et seul le prénom de la personne apparaîtra. Des profils seront proposés en fonction « des préférences amoureuses, des intérêts de chacun et de chacune et des amies et amis communs », explique Facebook.

Deux personnes pourront échanger par tchat sur un espace à part, qui ne sera ni Messenger — le système de messagerie instantanée de Facebook — ni Whatsapp — l’application de messagerie appartenant à Facebook. En revanche, pour des raisons de « sécurité », il ne sera pas possible d’échanger dans cet espace des images ou des liens. L’entreprise assure qu’elle n’utilisera pas les informations de Dating pour afficher des publicités ciblées.

Plusieurs cartes à jouer

Les utilisateurs de Dating pourront se connecter à travers des événements ou des groupes d’intérêts communs. / Facebook

Ce nouveau service peut-il vraiment changer la donne, et bouleverser le marché déjà très saturé des applications de rencontres ? C’est en tout cas ce que semblent penser les investisseurs : dans la foulée de ces annonces, l’action de Match, qui détient d’importantes plates-formes de rencontres, comme Tinder, OKcupid ou encore Meetic, a chuté de 22 %.

Avec plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs, le premier réseau social au monde part avec un énorme avantage. D’autant plus qu’un certain nombre d’applications concurrentes, comme Tinder, se fondent sur Facebook pour fonctionner. Il est par exemple possible de s’y connecter avec ses identifiants Facebook, et l’application peut y récupérer des photos et des informations, comme la ville d’origine ou les études. Elle dit même aux utilisateurs quels sont les amis qu’ils ont en commun avec les profils qui leur sont proposés. Et si Tinder et les autres disposent d’un temps d’avance, Facebook a déjà prouvé qu’il savait rattraper son retard rapidement : quand Instagram, propriété de Facebook, a copié les fameuses « stories » qui ont fait la réputation de Snapchat, les internautes les ont rapidement adoptées.

Facebook a aussi une carte à jouer avec son système fondé, entre autres, sur les événements. Un des problèmes récurrents évoqués par les utilisateurs de Tinder est que les échanges en ligne se transforment trop rarement en rencontres. Or, si Dating prend en compte la présence de deux personnes à un même événement, alors la probabilité d’une rencontre semble bien plus importante.

La réaction acide des concurrents

Reste toutefois une grande inconnue : les utilisateurs de Facebook lui font-ils assez confiance pour lui confier également une partie de leur vie sentimentale et sexuelle ? La place prépondérante qu’occupe Facebook dans la vie en ligne des internautes est au cœur d’inquiétudes grandissantes. Accepteront-ils que l’entreprise s’immisce aussi dans cette partie de leur existence ?

D’autant plus que Facebook est empêtré dans plusieurs polémiques, et notamment le scandale Cambridge Analytica, qui a éclaté en mars. Les données de 87 millions de ses utilisateurs ont été obtenues par cette entreprise spécialisée dans l’influence politique et proche de Donald Trump. Une affaire qui a remis la question des données personnelles au centre du débat public. Or, les données échangées sur une plate-forme de rencontres sont particulièrement sensibles.

La PDG de Match, Mandy Ginsberg, s’est à ce propos montrée acide à l’annonce de Mark Zuckerberg :

« Nous sommes flattés que Facebook vienne sur notre territoire — et perçoive comme nous cette occasion mondiale — tandis que Tinder continue d’atteindre des sommets. Nous sommes surpris du calendrier, étant donné le nombre de données personnelles et sensibles liées à ce territoire. »

« Nous connaissons ces questions mieux que quiconque, a-t-elle ajouté. L’arrivée de Facebook ne va que nous revigorer. » Joey Levin, le PDG d’IAC, la maison-mère de Match, s’est lui aussi fendu d’une remarque acerbe. « Leur produit pourrait être super pour les relations entre les Etats-Unis et la Russie », a-t-il déclaré ironiquement, en référence aux accusations selon lesquelles la Russie aurait exploité Facebook pour influencer l’opinion publique américaine, notamment lors de l’élection présidentielle de 2016.

De son côté, l’application de rencontres Bumble a, au contraire, préféré faire un appel du pied à Facebook :

« Peut-être que nous pouvons joindre nos forces pour rendre le monde connecté encore plus sûr et utile. »