Changement de programme. Lorsqu’il avait présenté les grandes lignes de la réforme des institutions, le 4 avril, le premier ministre, Edouard Philippe, avait annoncé que les trois projets de loi distincts (constitutionnel, organique et ordinaire) seraient « présentés en conseil des ministres le 9 mai », avec l’objectif d’un examen en première lecture à l’Assemblée nationale en juin-juillet, au Sénat à la rentrée, en vue d’une adoption définitive en 2019.

Finalement, seul le volet constitutionnel (qui concerne la suppression de la Cour de justice de la République, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et la fabrique de la loi) sera présenté en conseil des ministres le 9 mai, a annoncé Matignon au Monde, jeudi 3 mai. Les textes ordinaire et organique seront, eux, dévoilés « plus tard en mai », le temps qu’ils soient examinés par le Conseil d’Etat. D’après nos informations, ces deux volets, porteurs des sujets les plus épineux (introduction d’une dose de proportionnelle, réduction du nombre des parlementaires, non-cumul des mandats dans le temps), devraient être présentés le 16 mai.

« Problème technique »

Ce décalage dans le temps, considéré comme « un problème technique », ne pose pas de problème majeur au président du Sénat, Gérard Larcher, dont l’accord est indispensable pour l’adoption de la réforme. « Tant que c’est un retard d’une semaine et qu’on dispose des trois textes le 16 mai, on considère qu’il n’y a pas d’entourloupe derrière », affirme son entourage, tout en restant « vigilant ».

Cette présentation séparée retarde toutefois l’avancée des négociations. Les Républicains (LR) ont d’ores et déjà prévenu qu’ils refuseraient toute « vente par appartement ». « Soit on trouve un accord sur la loi organique, la loi ordinaire et la réforme de la Constitution, les trois ensemble, soit on fait le constat qu’il n’y a pas d’accord », avertissait à la mi-mars le chef de file des députés LR, Christian Jacob.

Pour l’instant, le gouvernement n’a dévoilé que les grandes lignes des textes ordinaire et organique, qui prévoient notamment une réduction de 30 % du nombre des parlementaires, l’introduction d’une dose de 15 % de proportionnelle aux législatives de 2022 et la fin du cumul des mandats dans le temps (pas plus de trois mandats identiques pour les élus, sauf pour les maires des communes de moins de 9 000 habitants). La copie finale du gouvernement sur ces deux textes, telle qu’elle sera présentée en conseil des ministres, reste attendue.

Soutien essentiel

En revanche, les détails du volet constitutionnel sont largement connus. L’avant-projet de loi, que le gouvernement a envoyé au Conseil d’Etat au début d’avril et que Le Monde s’est procuré, prévoit notamment d’encadrer davantage le droit d’amendement des parlementaires, un raccourcissement des navettes au profit de l’Assemblée, ou une maîtrise accrue de l’ordre du jour par l’exécutif. Ce dernier y assume sa volonté d’accroître sa domination sur le pouvoir législatif, au nom de l’« efficacité ».

La révélation du volet constitutionnel a déjà suscité un tir de barrage de M. Larcher, qui dénonce « une diminution des pouvoirs du Parlement ». Le 17 avril, ce dernier a envoyé un courrier au président de la République pour lui demander de réexaminer ce texte avant sa présentation en conseil des ministres. Et le mettre en garde sur un possible « échec » de la réforme constitutionnelle, à cause d’un blocage du Sénat, si l’exécutif ne répondait pas à ses revendications.

Le soutien du Sénat – majoritairement à droite – à cette réforme est en effet essentiel pour le gouvernement. Pour une raison simple : toute réforme de la Constitution doit être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis obtenir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Parlement réuni en Congrès à Versailles. Pour les textes ordinaire et organique, en revanche, l’exécutif n’a besoin que de sa majorité à l’Assemblée.