Dans une exploitation agricole de Gacé (Orne), en août 2016. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Dans le monde agricole, l’affaire du « cartel des endives » a marqué les esprits. En 2012, l’Autorité de la concurrence avait condamné dix organisations de producteurs à 3,6 millions d’euros d’amende pour entente sur les prix. Or, plus que jamais, les agriculteurs ont exprimé, lors des Etats généraux de l’alimentation (EGA), le besoin de sécuriser juridiquement leurs actions au regard du droit de la concurrence. D’autant qu’ils sont contraints de s’organiser face à des industriels puissants et à une distribution toujours plus concentrée. Saisie par Bercy, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis, vendredi 4 mai.

Les Sages de la rue de l’Echelle ont tenté de clarifier les règles du jeu, en premier lieu pour les agriculteurs soucieux de se regrouper au sein d’organisations de producteurs (OP) ou d’associations d’organisations de producteurs (AOP). Une approche souvent nécessaire pour avoir du poids lors des négociations commerciales, sachant qu’en 2016, on dénombrait en France 472 000 exploitations agricoles, contre 17 600 entreprises agroalimentaires et 4 grandes centrales d’achat de la distribution. On compte aujourd’hui 650 OP, principalement dans le secteur du lait, des fruits et légumes et de la viande.

L’Autorité de la concurrence estime que l’arrêt « endives » rendu par la Cour de justice européenne en novembre 2017 a éclairé le cadre juridique pour les OP et les AOP. Il dispose que les pratiques d’échanges d’informations stratégiques, de fixation de prix minimaux de vente ou de concertations sur les volumes au sein d’une OP ou d’une AOP échappent au droit de la concurrence si elles sont nécessaires pour atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés. En revanche, les pratiques entre plusieurs OP ou AOP sont susceptibles de tomber sous le coup du droit des ententes. Le règlement « omnibus » bruxellois a, lui, introduit une dérogation au droit des ententes pour les OP et les AOP à condition qu’elles n’excluent pas la concurrence.

Dérogations spécifiques

L’Autorité de la concurrence a ensuite examiné le cas des organisations interprofessionnelles (OI) qui, outre les producteurs, incluent les industriels et les distributeurs. Elle affirme qu’elles peuvent diffuser des données statistiques passées à condition qu’elles soient anonymes et agrégées. Elles peuvent donc publier des données économiques générales, élaborer des contrats types, pousser des démarches qualitatives ou promouvoir les produits. Le règlement « omnibus » leur a également donné le droit d’établir des clauses types de répartition de la valeur entre les agriculteurs et leurs premiers acheteurs. Mais elles ne sont pas autorisées à réguler les volumes et à fixer des quotas.

Les agriculteurs sont également de plus en plus souvent amenés à signer des contrats tripartites avec les industriels et la distribution. Des démarches qui prévoient volume de production et prix d’achat, adossés à un cahier des charges fixant les critères de la qualité de la production. Même si elle souligne l’intérêt de ces contrats, l’Autorité estime que les signataires doivent rester prudents lorsque leur part de marché atteint 30 %.

Enfin, il est rappelé dans l’avis que Bruxelles permet aux Etats membres, à la demande des producteurs et de leurs associations, d’adopter des règles contraignantes pour les fromages et le jambon bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée (AOC) et d’une indication géographique protégée (IGP) ainsi que dans le secteur vitivinicole. Ces dérogations spécifiques portent sur les volumes, et non sur les prix. L’Autorité propose d’étendre cette possibilité de régulation à tous les produits bénéficiant d’une AOC ou d’une IGP.