Les Nîmois joueront en Ligue 1 la saison prochaine. / PASCAL GUYOT / AFP

Après vingt-cinq ans d’absence, la Ligue 1 retrouve l’un de ses clubs historiques. Le Nîmes olympique a validé son accession vendredi en battant largement le Gazélec Ajaccio, 4 à 0. L’autre club ajaccien, l’AC Ajaccio, relégué désormais à cinq points, ne peut plus inquiéter les Gardois à un match de la fin du championnat de Ligue 2. L’attaquant franco-turc Umut Bozok a largement contribué à cette montée en inscrivant 24 buts en 35 matchs.

Nîmes monte en ligue 1 : ambiance vestiaire
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La dernière saison des Nîmois en première division remonte à 1992-1993. Depuis, le club sudiste a fait le yoyo entre la deuxième division (16 saisons) et le troisième échelon, le National (9 saisons). En 2015, à cause d’une affaire de soupçons de matchs arrangés lors de la saison 2013-2014, le club, alors en Ligue 2, avait failli être rétrogradé en National. La sanction sportive – le procès pénal aura lieu en juin – avait finalement consisté en une pénalité de huit points à l’entame de la saison. Malgré ce handicap, le club s’était maintenu.

« Il y a trois ans, le club était moribond »

L’homme fort de la saison nîmoise, l’entraîneur Bernard Blaquart, n’oublie pas le chemin parcouru depuis son arrivée en 2015 : « Il y a trois ans, le club était moribond, avec une image déplorable et catastrophique. Tous ces résultats depuis trois saisons, on ne pouvait pas les imaginer, ni même les rêver. On n’avait rien à perdre. Cette accession, c’est aussi beau que d’avoir sauvé le club il y a deux saisons. »

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Après cette période difficile, le projet nîmois a été relancé par l’arrivée d’un nouvel actionnaire, d’abord minoritaire (en 2014), puis majoritaire (2015), avant qu’il ne prenne totalement le contrôle du club en 2016. Rani Assaf est un haut dirigeant du groupe Free, dont le PDG, Xavier Niel, est également copropriétaire du Monde.

Une autre personnalité est partie prenante de l’aventure nîmoise : le journaliste Jean-Jacques Bourdin, conseiller du président Assaf et parrain des Crocodiles. « C’est une saison exceptionnelle, pour un club dont on ne parlait plus. Il y avait 18 000 personnes ce soir. On aurait pu remplir deux ou trois stades des Costières. C’est le début d’une aventure. Je sais que Rani [Assaf] va pérenniser le club. Un nouveau stade sera construit dans les deux ans à venir. On va essayer de se maintenir en Ligue 1 et ensuite de redevenir un vrai club de Ligue 1 », a-t-il réagi sur la radio qui l’emploie, RMC.

Nîmes en ligue 1 : la folie en ville
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La dernière fois que la France du football avait entendu parler positivement du Nîmes olympique, c’était lors de la Coupe de France 1996. Les Gardois s’étaient hissés en finale (une première pour un club de troisième division) en éliminant au cours de leur parcours trois clubs de Ligue 1 : Saint-Etienne, Strasbourg et Montpellier. En finale face à Auxerre, champion de France cette année-là, Nîmes avait ouvert le score avant de s’incliner sur des buts de Laurent Blanc et Lilian Laslandes.

« On rêvait tous de jouer au Nîmes olympique »

Acteur de cette épopée, le défenseur Johnny Ecker, formé au club et pro à Nîmes de 1993 à 1999, se souvient : « A notre retour, on avait l’impression que toute la ville nous faisait la fête. Le public nîmois, s’il est exigeant, est un public de connaisseurs qui reconnaît les efforts entrepris même en cas de défaite. » Par la suite joueur de Lille et de Marseille, Ecker a conservé un fort attachement à son club de cœur : « On rêvait tous de jouer au Nîmes olympique. Même si le club a connu le purgatoire pendant vingt-cinq ans, les Crocodiles, ce sont des valeurs, une identité locale. Le nouveau président a remanié le club malgré les problèmes qu’il a eu à régler. Le coach a cette mentalité de faire jouer les jeunes. Cela donne une équipe de copains, qui n’a peur de rien, comme nous à l’époque. »

Mais l’histoire du Nîmes olympique débute bien avant. Fondé en 1937, le club a connu ses plus belles heures dans les années 1950 et 1960, souvent dans l’ombre du grand Stade de Reims. Joueur de 1948 à 1954, puis entraîneur emblématique (de 1955 à 1962 et de 1969 à 1978), le Franco-Algérien Kader Firoud a incarné cet âge d’or. Les footballeurs nîmois ont été quatre fois vice-champions de France en 1958, 1959, 1960 et 1972. Leur palmarès reste néanmoins mince : deux titres de champion de National, un titre de champion de Ligue 2 et deux compétitions aujourd’hui disparues (Coupe Drago et Coupe des Alpes).

1961 sedan nîmes
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Ancien entraîneur des espoirs, membre de la direction technique nationale pendant des années, le Gardois René Girard a joué de 1972 à 1980 à Nîmes avant de revenir pour y finir sa carrière (1988-1991). « Il y a d’abord eu l’ère Kader Firoud, Mustapha Bettache, puis celle de Jean-Pierre Adams et Michel Mézy. Notre génération s’est inscrite dans cette continuité. Nîmes faisait partie des meilleures équipes françaises avant la chute en deuxième division dans les années 80 », raconte-t-il.

René Girard a aussi été l’un des acteurs d’une des saisons les plus étranges du Nîmes olympique. En 1991-1992, les Nîmois viennent tout juste de remonter sous la houlette de leur coach argentin Daniel Romeo. Le sponsor principal, Catavana – qui déposera le bilan en octobre 1992 –, décide de frapper fort et investi 44 millions de francs, une somme importante pour l’époque avec l’achat de joueurs renommés comme William Ayache ou Philippe Vercryusse. Nîmes recrute surtout Eric Cantona, pour 10 millions de francs.

La Vidourle comme frontière entre le Gard et l’Hérault

L’aventure tourne au fiasco puisque Cantona ne marque que deux buts en 17 matchs. Surtout, il jette un ballon sur l’arbitre lors d’un match contre Saint-Etienne en décembre 1991. D’abord suspendu quatre matchs, il traite ses juges de « bande d’idiots » avant de voir sa suspension élargie à deux mois. Il ne jouera plus jamais en France. « Je venais de stopper ma carrière et j’avais pris des fonctions au sein du centre de formation. On m’a confié un intérim de six mois sur le banc après le départ de Romeo vers Noël. On s’est sauvés mais la saison d’après, le club est descendu. Il y avait une grosse envie de réussir et la déception a été à la hauteur. On n’était peut-être pas prêts », confie René Girard.

Eric Cantona threw ball to referee
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Nîmes de retour en Ligue 1, cela promet aussi deux derbys passionnels à jouer contre le voisin montpelliérain, distant d’environ 50 km. Champion de France avec le Montpellier Hérault en 2012, un véritable exploit au nez et à la barbe du PSG, le Gardois René Girard est bien placé pour parler de cette rivalité : « Quand je jouais dans les années 70, le derby c’était plutôt contre l’OM. Avec l’arrivée de Louis Nicollin, Montpellier a franchi tous les niveaux et petit à petit, la rivalité sportive s’est instaurée. Le Gard et l’Hérault sont juste séparés par la Virdoule… »

Un temps en course pour l’Europe, Montpellier a pris de l’avance. Nîmes a encore beaucoup de travail avant d’espérer bousculer la hiérarchie régionale.