Jonathan Powell, diplomate britannique, à la tribune de Cambo-les-Bains le 4 mai. / VINCENT WEST / REUTERS

Avec, en fond de scène, la belle villa néo-basque « Arnaga » édifiée au XXe siècle par l’écrivain Edmond Rostand, élus, acteurs politiques et sociaux des deux parties du Pays basque se sont retrouvés vendredi 4 mai à Cambo les Bains (Pyrénées Atlantiques) et ont rendu publique une déclaration « pour avancer vers la résolution du conflit au Pays basque ». Avec leurs invités internationaux, ils entendent ainsi prolonger la dissolution effective de ETA lue la veille à Genève par Josu Urrutikoetxea, l’un des responsables de l’organisation séparatiste.

Successivement une jeune femme symboliquement venue de Gernika (la ville de Biscaye bombardée en 1937), le bayonnais Michel Camdessus (un temps directeur du Fonds monétaire international), le négociateur anglais Jonathan Powell puis l’élu mexicain Cuauhtémoc Cárdenas lisent une déclaration appelant à tourner une page de l’histoire : la disparition de Euskadi Ta Askatasuna (ETA, « Pays basque et liberté ») doit engager une période de réconciliation de la société basque, prenant en compte toutes les victimes du conflit et les 347 prisonniers aujourd’hui incarcérés dans les prisons espagnoles et françaises.

Manque d’autocritique

Ce sommet international a été mis sur pied par Bake bidea, une organisation pour la paix installée à Bayonne, le Forum social basé au Pays basque espagnol et les experts du « Groupe de contact international ». Les avaient rejoints des sénateurs, députés et maires des Pyrénées Atlantiques ainsi que des responsables venus de la Communauté autonome basque et de la Navarre au sud de la frontière. Et tous d’appeler à une nouvelle étape après le « Forum d’Aiete » qui avait, le 17 octobre 2011 à Saint-Sébastien, précédé la renonciation de ETA à la lutte armée.

Si le Parti nationaliste basque (PNV, majoritaire), la gauche indépendantiste (EH Bildu), Podemos ont pris le chemin de Cambo, d’autres formations du sud comme le Parti populaire ou la branche basque du Parti socialiste (PSOE) ont marqué leur distance, tout comme les gouvernements autonomes d’Euskadi et de Navarre, tous deux dirigés par des nationalistes. Ces derniers estiment incomplètes les déclarations de ETA sur les victimes, et sans autocritique. Ils regrettent que les actes autour de sa dissolution ne se passent pas au sud des Pyrénées (là où les événements les plus tragiques ont eu lieu).

« Fruit du dialogue »

Venus d’horizons variés, les participants au sommet ont des analyses proches. Ainsi Jean-René Etchegaray, maire UDI de Bayonne et président de la Communauté d’agglomération Pays basque, rappelle que le premier souhait à Aiete était qu’ETA arrête la lutte armée « et elle a tenu parole » ; le second que les Etats interviennent pour aboutir à la paix. A défaut, « une dynamique sociale s’est enclenchée qui a abouti le 8 avril 2017 à la remise des armes de ETA ». Si bien que Arnaga est une nouvelle étape du chemin à venir, conclut-il. Une notion reprise par l’irlandais Gerry Adams (faire la paix est tout un voyage) comme par Brian Currin du Groupe de contact : « La dissolution est effective, et c’est le fruit du dialogue. Dommage que les gouvernements ne se soient pas associés. Le parcours n’est pas achevé : à nous de jeter des ponts vers les victimes et les prisonniers ».

Le sénateur Les Républicains des Pyrénées Atlantiques, Max Brisson, précise : « La réconciliation en Pays basque passe par la reconnaissance de toutes les victimes, de toutes les souffrances. Il faut regarder notre passé en face, sans zone d’ombre. Pensons à la fois aux enfants des victimes et à ceux des prisonniers, pour qu’ils n’entretiennent pas à leur tour un foyer de haine et de rancœur ». En écho à la fois aux 358 « crimes non résolus » dénoncés par l’association des victimes Covite comme aux actions contre les membres de ETA en territoire français menées par les Groupes antiterroristes de libération (GAL) ou aux 4 113 cas de torture policière entre 1960 et 2014 recensés par le Gouvernement basque.

Côté français, « nous avons à ce jour obtenu le rapprochement d’une dizaine de prisonniers vers le sud-ouest et nous y travaillons », se réjouit Vincent Bru, député MoDem et ex-maire de Cambo. Mais les perspectives outre Pyrénées sont différentes avec une situation politique espagnole marquée par la montée des enchères entre Parti populaire et Ciudadanos.