Emmanuel Macron et Vladimir Poutine avant leur conférence de presse commune au Château de Versailles, le 29 mars 2017. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

C’est à bord de l’Airbus présidentiel, en route vers l’Australie, qu’Emmanuel Macron a livré à nos confrères du Journal du Dimanche sa vision du monde. Pour le chef de l’Etat, « tout a changé » sur la scène diplomatique au cours de la dernière décennie, ce qui oblige la France « à trouver de nouveaux ponts et à bien définir des priorités stratégiques ».

  • Trump et son « prisme anti-iranien »

« Sur l’axe transatlantique, il faut remaçonner la stratégie avec Donald Trump en se focalisant sur le politico-militaire et la lutte contre le terrorisme », souligne le président dans ce long entretien consacré à la politique étrangère, assurant qu’il « parle au président américain en sachant parfaitement que sa politique étrangère répond toujours à ses objectifs de politique intérieure », avec un « prisme anti-iranien ».

Estimant que Donald Trump n’a décidé de lancer des frappes en Syrie qu’après lui avoir parlé, M. Macron précise :

« il n’avait pas décidé le 8 avril de sa réaction aux attaques chimiques et je lui dis que Bachar Al-Assad nous teste dans cette nouvelle séquence, qu’il n’est pas question de faire la guerre à la Syrie mais que compte tenu des preuves dont nous disposons notre frappe conjointe sur des seuls sites chimiques est décisive pour notre crédibilité et pour contenir le permis de nuisance du régime ».

Quant à l’accord sur le nucléaire iranien, dont Donald Trump pourrait retirer les États-Unis dans une semaine, « j’essaie de lui rappeler la logique interne des différents dossiers liés à l’Iran. Aussi pour le ramener sur la Syrie », ajoute le chef de l’Etat, qui s’est montré pessimiste sur sa capacité à convaincre son homologue américain sur le sujet lors de sa récente visite à Washington.

  • « Arrimer la Russie à l’Europe »

Estimant par ailleurs que les frappes sur la Syrie ont été « une opération complexe très réussie, remarquablement coordonnée à trois alliés », M. Macron estime également que le « dialogue de vérité (franco-russe) sur la Syrie a aidé à faire passer des messages au régime syrien, tout en prenant en compte notre démarche sur la solution politique pour la Syrie de demain ».

Vladimir « Poutine a compris que je ne suis pas un néo-conservateur, je ne suis pas interventionniste, je ne veux pas faire la guerre au régime syrien », estime M. Macron, en évoquant une conversation téléphonique « calme » avec son homologue russe le jour des frappes :

« Je crois qu’il a compris notre détermination et que je voulais éviter une escalade. Je lui ai rappelé ce qu’il m’avait dit en mai 2017, à Versailles, lorsque j’avais fixé les conditions d’une ligne rouge sur le chimique, que lui-même avait reconnue comme nécessaire. »

Avec ce « dialogue stratégique historique », Emmanuel Macron entend « arrimer la Russie à l’Europe et non laisser la Russie se replier sur elle-même ».

« Vladimir Poutine a le rêve de redonner sa grandeur à la Russie, il a été marqué par l’humiliation née des événements autour de la chute du Mur de Berlin et de l’URSS, c’est ce qui le motive, lui qui a vécu cette période comme une blessure pour son peuple. Je peux comprendre cela. Mais pour moi, la Russie est dans l’Europe même si la Russie n’a presque jamais connu la démocratie telle que nous la vivons. »