Angela Merkel et Emmanuel Macron lors de leur première rencontre à Berlin, le 15 mai 2017. / TOBIAS SCHWARZ / AFP

C’était le 15 mai 2017, Angela Merkel accueillait pour la première fois le président Emmanuel Macron à Berlin et, pour l’occasion, des centaines de personnes s’étaient rassemblées devant la chancellerie afin d’applaudir celui qui était entré la veille à l’Elysée. Du jamais-vu !

Mais ce comité d’accueil était à l’image de ce que la grande majorité des Allemands avait ressenti lors de l’élection de M. Macron, volontiers décrit dans la presse de l’époque comme un « enfant prodige » (Wunderkind) de la politique voire comme le portrait-robot du dirigeant idéal, « plus jeune que John Fitzgerald Kennedy, plus libéral que Tony Blair et plus européen que Gerhard Schröder », comme l’avait écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung, en mars 2017.

Un an plus tard, il reste quelque chose de cet enthousiasme des débuts outre-Rhin. D’abord, parce M. Macron a engagé les réformes que l’Allemagne attendait de la France et que tant de ses prédécesseurs avaient renoncé à faire après les avoir promises. « Il a déjà beaucoup fait et beaucoup obtenu, non seulement il a imposé des réformes, mais il a commencé à les mettre en œuvre. Il a créé un changement de climat politique et économique, si bien que la France est perçue aujourd’hui comme un pays fort en Europe et au-delà », commentait ainsi récemment l’ancien ministre conservateur des finances, Wolfgang Schäuble (CDU), aujourd’hui président du Bundestag, dans Le Journal du dimanche.

Les Allemands lui reconnaissent le mérite d’avoir des idées

La seconde raison pour laquelle M. Macron continue d’être apprécié – et même admiré – en Allemagne est liée à son engagement européen. Non pas que les Allemands soient favorables à toutes ses idées dans ce domaine : sa volonté de réformer la zone euro en la dotant d’un budget et d’un ministre des finances suscite ainsi de vives réticences chez les conservateurs et un intérêt prudent chez les sociaux-démocrates. Mais l’essentiel n’est pas là. Car même ceux qui sont en désaccord avec telle ou telle de ses propositions reconnaissent au moins au chef de l’Etat français un grand mérite : celui d’avoir des idées.

Ce sentiment, assez largement partagé en Allemagne, n’est d’ailleurs pas exempt d’arrière-pensées politiques, en particulier chez les adversaires politiques de Mme Merkel qui citent M. Macron en exemple pour mieux souligner les faiblesses supposées de la chancelière, après sa laborieuse réélection.

Cela s’est encore vu, fin avril, lors de la dernière visite du président français à Berlin. « Le gouvernement fédéral n’a pas de réponse face à Macron », a ainsi déploré Christian Lindner, le président du Parti libéral-démocrate (FDP), tout en reconnaissant ne pas partager lui-même toutes les idées de M. Macron.

La même critique a été formulée à gauche. Ainsi de ce commentaire paru le 19 avril dans le quotidien Tageszeitung, après la visite de M. Macron à Berlin : « La garantie européenne des dépôts ne viendra que dans un futur lointain, a dit Mme Merkel. En allemand, cela veut dire : jamais. La chancelière a certes voulu donner l’impression qu’elle était plus une Mme Peut-Etre qu’une Mme Non. Mais au fond le message est le suivant : Macron est tout seul chez lui. »

Volontaire, audacieux, imaginatif : en la personne de M. Macron peut-être plus encore qu’en sa politique, les adversaires de la chancelière ont au fond trouvé un miroir idéal. Comme si, un an après son élection, ces derniers voyaient en lui la mauvaise conscience d’Angela Merkel…

« Veut-il régner comme un monarque absolu  ? », s’était interrogé le Spiegel, dès juin 2017, dans un article consacré à l’exercice du pouvoir d’« Emmanuel I »

Si elle reste globalement très positive, l’image du chef de l’Etat français se teinte néanmoins, depuis quelques semaines, de quelques interrogations. Très tôt après son élection, la presse allemande s’était montrée intriguée par le style monarchique et volontiers autoritaire de M. Macron. « Veut-il régner comme un monarque absolu ? », s’était ainsi interrogé le Spiegel, dès juin 2017, dans un article consacré à l’exercice du pouvoir d’« Emmanuel I ».

A l’époque, toutefois, les commentaires inspirés en Allemagne par l’attitude de M. Macron étaient plutôt à l’avantage de ce dernier. Après Nicolas Sarkozy et François Hollande, la France avait enfin élu un homme dont le style semblait coller à l’idée que le général de Gaulle se faisait de la présidence de la République.

Un an plus tard, certains observateurs allemands commencent toutefois à s’interroger sur les limites d’une pratique du pouvoir qui, en se voulant trop autoritaire, risque de perdre en efficacité. « Emmanuel Macron provoque chaque jour un nouveau débat et, ce faisant, il en vient à irriter le pays. On peut douter du fait qu’il réussisse à unir une France divisée avec une telle façon de gouverner », commentait ainsi la Süddeutsche Zeitung, le 12 avril.

Le quotidien munichois de centre gauche ne remettait pas pour autant en cause le fond de la politique de M. Macron, estimant par ailleurs que celui-ci avait jusqu’à présent plutôt réussi son pari réformateur. « Cette stratégie des gros chantiers ouverts les uns après les autres pourrait se retourner contre Macron s’il parvenait à monter tout le monde contre lui au même moment et, ce faisant, réussissait à créer contre lui une alliance dont rêvent ses opposants. Il semble toutefois que la France soit encore loin d’avoir un tel front uni contre son président. »