Emmanuel Macron lors du sommet social européen, à Göteborg, en novembre 2017. / JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Le soir du 7 mai 2017, une majorité des politiciens scandinaves exultaient : enfin un président français à leur goût. Jeune, réformateur, marié à Brigitte Macron, et surtout qui ne tarissait pas d’éloge sur le fameux « modèle scandinave ». Députés et ministres de tous bords revendiquaient leur parenté idéologique avec Emmanuel Macron, trahissant le malentendu autour du projet de ce candidat sorti de nulle part. Un an plus tard, la surprise est passée, mais la confusion demeure.

« Parce que les Suédois le jugent à l’horizon de notre système politique, on a beaucoup de mal à déterminer où il se situe vraiment sur l’échelle droite-gauche, ce qui suscite une ambivalence sur son programme », note Göran von Sydow, directeur de l’Institut suédois d’études européennes. La réforme du marché du travail, par exemple : « Etait-ce un projet libéral ou bien une politique inspirée du modèle suédois ? Beaucoup se posent la question », observe le politologue.

Surtout que sa méthode brouille les cartes, remarque le journaliste danois Bjorn Bredal, actuellement à Paris où il observe la grogne sociale monter. « Au Danemark, nous avons une démocratie consensuelle. La démocratie conflictuelle à la française est difficile à comprendre pour les Danois. Macron en est devenu le symbole. En même temps, il séduit car il ose gouverner. »

« Terrain d’entente »

Dans les pays scandinaves, où la modestie et la discrétion sont en général des vertus appréciées chez les gouvernants, le président « jupitérien » fascine. « Cette manière d’incarner le pays, entre roi et président, est inconcevable chez nous, assure Bjorn Bredal. D’ailleurs, les Danois rient un peu de cette façon tellement française de se prendre à ce point au sérieux. François Hollande à cet égard ressemblait plus à nos politiciens. »

Sur la politique menée par le gouvernement depuis un an, les Scandinaves sont divisés. D’un côté, ils apprécient « la volonté de moderniser la France, de se tourner vers l’avenir », note le politologue Göran von Sydow. Sur la question climatique ou le numérique, par exemple : « Ce sont des sujets sur lesquels nous pouvons trouver un terrain d’entente. » Le député finlandais libéral-conservateur Juhana Vartiainen, applaudit également des réformes économiques qui « mettent fin à l’immobilisme sur le marché du travail français ».

Mais sur la scène européenne, le volontarisme de M. Macron agace des Scandinaves, peu favorables au renforcement de l’intégration encouragé par Paris. « Les sociaux-démocrates suédois, par exemple, veulent discuter de la dimension sociale de l’UE, mais ils ne veulent pas d’initiatives supranationales », constate Björn Fägersten, chercheur à l’Institut suédois des affaires internationales. La Suède, qui n’appartient pas à la zone euro, s’inquiète d’une « Europe à deux vitesses où elle se retrouverait à la périphérie », ajoute le politologue Göran von Sydow.

Pain de seigle

Même son de cloche au Danemark, où le premier ministre libéral Lars Lokke Rasmussen a tenu à modérer les ardeurs européennes du président français après le discours de la Sorbonne, en septembre 2017, puis celui devant le Parlement Européen, estimant que l’heure n’était « pas au grand projet d’intégration européenne » mais « au travail du rugbrod », littéralement le pain de seigle danois, une façon de désigner le labeur quotidien. « Le gouvernement danois est terrifié à l’idée que la population puisse croire qu’il soutient cette position favorable à plus d’Europe », raille le journaliste Bjorn Bredal.

Les médias scandinaves se font écho de cette irritation à l’égard de celui qu’ils qualifient désormais de président « impatient ». Dans un éditorial du 23 avril, intitulé « Macron doit accepter que l’Union ait besoin de patience », le quotidien suédois Dagens Nyheter « souhaite bonne chance au président Macron dans son projet français, même si cela ne lui ferait pas de mal de temps en temps de montrer un peu d’humilité ». Car, souligne le journal, « l’UE ne peut certainement pas fonctionner comme un one-man show ».