Un membre de la Run Eco Team à Nantes. Créée par Nicolas Lemonnier en 2016, l’association promeut le « plogging » soit le ramassage des détritus  le long de parcours de course à pied. / Théophile Trossat pour "Le Monde"

Aujourd’hui, il existe peu de choses aussi valorisantes que de se prendre en photo avec un déchet et de partager ce cliché sur les réseaux sociaux. « Au début, je postais des images de mes sorties running qui ne provoquaient pas vraiment d’enthousiasme. Un jour, je ne sais pas pourquoi, j’ai ramassé un paquet de cigarettes et j’ai fait un selfie avec. Là, à ma grande surprise, ça a suscité des dizaines de réactions », se rappelle Nicolas Lemonnier, un ostéopathe nantais qui, en janvier 2016, a lancé le groupe Facebook Run Eco Team, devenu depuis une association. Objectif : promouvoir la collecte des déchets en parallèle de la pratique sportive. En six mois, 1 200 personnes, issues de vingt pays différents, rejoignent le groupe, partageant une même préoccupation pour le devenir-poubelle de l’environnement.

« Mark Zuckerberg m’a confié qu’il ramassait lui aussi les déchets en courant, mais qu’il ne voulait pas s’afficher, pour ne pas cannibaliser notre opération. » Nicolas Lemonnier, fondateur de Run Eco Team

« Le 14 juillet 2016, je reçois un coup de fil d’une personne de Facebook qui me dit que Mark Zuckerberg est très intéressé par mon initiative. J’ai d’abord cru à un canular », se souvient Nicolas Lemonnier. Après plusieurs échanges de courriels avec le patron de Facebook, il est finalement invité au siège du réseau social, à San Francisco. La plate-forme américaine réalise alors un petit film sur Run Eco Team qui, une fois mis en ligne, fait passer les adhésions de 1 500 à 14 000, en tout juste quarante-huit heures. « Mark Zuckerberg m’a confié qu’il ramassait lui aussi les déchets en courant, mais qu’il ne voulait pas s’afficher, pour ne pas cannibaliser notre opération », raconte Nicolas Lemonnier, visiblement conquis. Aujourd’hui, Run Eco Team compte 50 000 membres dans 104 pays et récolterait 20 tonnes de détritus chaque semaine.

Pour favoriser son action, l’association a développé une application de running intégrant un compteur de déchets qui évalue, in fine, la propreté du parcours. « Mon but, c’est maintenant de faire un run écologique avec Emmanuel Macron », confie Nicolas Lemonnier.

Opération #1déchetparjour

A Marseille, l’opération #1déchetparjour/#1pieceofrubbish, initiée par le Britannique Eddie Platt, surfe, elle aussi, sur cette viralité positive, invitant à poster un selfie à chaque ramassage, puis à désigner cinq amis pour relever le défi du nettoyage citoyen.

Autre continent, même combat : constatant la gestion catastrophique des ordures en Guinée, l’activiste environnementale Fatoumata Chérif a imaginé l’opération #selfiedéchets. Au travers d’images qui empruntent autant à l’art de l’autoportrait qu’à celui de la nature morte, cette mise en lumière de l’insalubrité dans les rues de Conakry a permis de faire bouger les pouvoirs publics. « Faire des #selfiedéchets attire l’attention des citoyens sur l’état de pollution généralisée de notre ville, qui était jadis appelée “la perle de l’Afrique de l’Ouest”, se réjouit Fatoumata Chérif. C’est un moyen d’alerter les autorités, mais aussi de sensibiliser et de mobiliser des citoyens afin qu’ils adoptent de bonnes pratiques au quotidien. Le selfie atteste l’authenticité de l’image puisqu’il justifie de la présence de l’auteur de la photo sur les lieux au moment des faits. Ma plus grande satisfaction est d’avoir pu faire en sorte que d’autres jeunes s’approprient le concept. »

Participant d’une esthétique de la mobilisation, le selfie déchets s’inscrit en réaction à une vision instagramisée de l’existence où, au lieu d’utiliser des filtres pour rendre son quotidien plus graphique, on le montre dans sa naturalité brute, souillée. Une fois passé le choc des photos, on se dit que la vie serait incontestablement plus belle si elle ne rimait plus avec poubelle.