Emmanuel Macron, au Théâtre de l'Ile, à Nouméa, le 5 mai. / LUDOVIC MARIN / AFP

Editorial du « Monde ». Pour la septième visite d’un président de la République en Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron a effectué, du 3 au 5 mai, un parcours sans faute. Un déplacement qui fait suite à celui d’Edouard Philippe, à la fin de l’année 2017. A Ouvéa, l’étape la plus chargée de symboles, le chef de l’Etat a inscrit ses pas dans ceux des familles des victimes, de toutes les victimes, qui avaient su, non sans douleur, effectuer le chemin de la réconciliation. « Je souhaite que nous puissions être à la hauteur de ce travail que vous avez fait depuis tant d’années, a-t-il déclaré. Je voulais vous remercier pour cet exemple donné. J’y apporterai ma pierre, de là où je suis. »

Mais c’est le discours que le président de la République a prononcé, samedi 5 mai, au Théâtre de l’Ile, un lieu chargé d’histoire à Nouméa, salué par l’ensemble des responsables politiques du territoire, qui fera date. M. Macron est d’abord revenu sur les affrontements sanglants, dans les années 1980, entre les militants indépendantistes et les colons caldoches, qui firent quatre-vingts morts. Une période qui prit fin grâce aux accords de Matignon le 26 juin 1988. « Jamais, a-t-il affirmé, nous n’oublierons la colonisation, la ségrégation des Kanak. Il faut le dire sans détour, le combat des Kanak pour retrouver leur dignité était juste. C’est en reconnaissant les blessures de l’histoire qu’on peut les cicatriser. »

« Reconnaissance partagée »

M. Macron a aussi tenu à rendre hommage aux bagnards, transportés, relégués, de France et d’Algérie, aux pionniers et à tous ceux qui ont forgé la Nouvelle-Calédonie. Une addition d’histoires, souvent tragiques. « Ce sont toutes nos victimes », a-t-il souligné, appelant à « accepter toutes les mémoires pour ne pas s’enfermer dans la douleur ». Le chef de l’Etat n’a pas manqué de rendre hommage à Jean-Marie Tjibaou et à Jacques Lafleur, les chefs de file des deux camps longtemps antagonistes, ainsi qu’à Michel Rocard et à Lionel Jospin, premiers ministres au moment des accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998. « Nous poursuivons ce chemin de reconnaissance partagée, a-t-il assuré. Ce parcours, vous l’avez, mon rôle est de vous accompagner. »

Le discours du président de la République était surtout attendu sur le référendum du 4 novembre sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Un scrutin qui a donné lieu à de fortes tensions jusqu’à ce que le premier ministre trouve un compromis avec les responsables néo-calédoniens. « Je ne prendrai pas partie dans ce référendum, a affirmé M. Macron. Ce n’est pas au chef de l’Etat de prendre position sur une question qui est posée aux seuls Calédoniens, mais, sans la Nouvelle-Calédonie, la France ne serait pas la même. » Il a toutefois, à plusieurs reprises, fait appel à la responsabilité et à l’unité de l’ensemble des composantes du territoire : « Il appartient à vous tous de ne pas faire reculer l’histoire. »

M. Macron a ainsi inscrit l’avenir de la Nouvelle-Calédonie dans une perspective de développement économique et géostratégique dans la région indo-pacifique, en plaidant avec force pour une nouvelle ambition dans les domaines de l’économie, de l’autosuffisance alimentaire, de la souveraineté énergétique, du tourisme et de la croissance bleue. « Il y a un continent de possibles, c’est une part de l’avenir de notre jeunesse qui se joue, a-t-il insisté. Je veux que nous construisions ensemble cet avenir. »