Ligne politique du président, bilan des promesses de campagne, rivalité avec Angela Merkel…, un an après l’accession à la présidence de la République d’Emmanuel Macron, Nicolas Chapuis, le responsable du service politique du Monde, a répondu aux questions des internautes.

Paulple : Après un an de politique plutôt « de droite », pensez-vous que M. Macron va proposer des mesures plutôt sociales pour son année 2, pour garder son image « ni gauche ni droite » ?

Nicolas Chapuis : Emmanuel Macron a en effet mené une politique qui est jugée très majoritairement par les Français comme étant « de droite ». Ainsi, dans notre grande enquête, menée par Ipsos Sopra Steria pour Le Monde, le Cevipof et la Fondation Jean-Jaurès, 70 % des personnes interrogées jugent qu’Emmanuel Macron est un président de droite.

Au sein de sa majorité, beaucoup d’élus provenant de la gauche font remonter leur malaise face à ses choix. Le chef de l’Etat avait en effet promis une forme d’équilibre, symbolisé par la formule « en même temps ». Emmanuel Macron va-t-il les écouter et donner plus de gages à sa gauche lors de cette deuxième année ? Rien n’est moins sûr.

Maximoto : Sur quels thèmes (économiques, sociaux, environnementaux…) les principales mesures de Macron ont-elles été prises ?

Le début du quinquennat a été très marqué par une séquence économique et sociale avec un premier budget marqué par des choix forts (réduction de l’ISF au simple patrimoine immobilier, hausse de la CSG, réduction des APL, suppression de la taxe d’habitation, etc.) et les ordonnances, destinées à flexibiliser le marché du travail. Cette partie est de loin la plus marquante de ce début de quinquennat. Mais de nombreuses autres mesures ont été prises.

Sur le plan du travail, une deuxième loi sur les protections sociales est en train d’être débattue. La loi antiterrorisme a mis dans le droit commun un certain nombre de mesures de l’état d’urgence. Une réforme importante de l’éducation nationale, avec notamment le dédoublement des classes de CP dans les quartiers prioritaires, a été votée. Sans oublier la première loi du quinquennat : celle sur la moralisation de la vie politique. En revanche, dans le domaine de l’environnement que vous citez, les slogans ont souvent pris le pas sur les actes concrets.

Louis : Je suis surpris d’entendre aussi peu de critiques concernant l’instrumentalisation politique de l’écologie par Emmanuel Macron. Notre-Dame-des-Landes était avant tout un symbole, et ses mesures en la matière se résument pour l’instant à « Make our planet great again » alors que le Président se présente comme le gardien de l’accord sur le climat à l’international. Que la finance « se mette au chevet de la planète », comme il le demandait en décembre, cela suffit-il maintenant aux écologistes de tous bords et à son ministre, Nicolas Hulot ?

C’est le constat que nous dressions ce matin dans cet article. Emmanuel Macron a fait du climat une arme diplomatique, profitant de l’attitude de Donald Trump pour prendre le leadership mondial sur cette question… Mais si l’on regarde de près son bilan, les actes sont moins brillants.

Nicolas Hulot, dont la présence au gouvernement avait été un des gestes forts après l’élection, n’a gagné que très peu d’arbitrages. Il a reculé sur la baisse du nucléaire dans le mix énergétique, sur la définition des perturbateurs endocriniens, sur l’interdiction du glyphosate, sur les états généraux de l’alimentation…

Gallen : Dans une société de court-termisme, on attend toutes les réformes et leurs effets immédiatement. Ne serait-il pas opportun de rappeler que non seulement les politiques publiques prennent du temps à être définies et mises en œuvre, mais aussi qu’il faut encore plus de temps pour en évaluer pleinement les résultats ?

Vous avez raison, l’effet des mesures prises par Emmanuel Macron n’est pas encore perceptible dans la vie courante. De ce point de vue-là, le bilan d’un premier anniversaire de quinquennat est toujours compliqué à faire. L’exécutif incite les Français à être patients avant de juger. Avec un certain succès, puisque dans les études d’opinion beaucoup de personnes sondées continuent de dire qu’ils laissent globalement le bénéfice du doute à ce nouveau pouvoir.

Mais à l’inverse, quand le gouvernement s’attribue le mérite de la bonne conjoncture économique, on peut y voir une forme d’usurpation. Il peut y avoir un « effet Macron » sur l’économie. Le chef de l’Etat inspire davantage que ses prédécesseurs un sentiment de confiance aux investisseurs, dont il parle le langage. Mais les tendances de fond, elles, sont davantage imputables au redressement mondial de l’économie (et parfois aux mesures prises sous le précédent quinquennat).

EM2 : Une question connexe pour faire un premier bilan : quelles sont les grandes mesures annoncées au cours de cette première année de présidence complémentaires aux annonces faites lors de la campagne électorale ?

Si Emmanuel Macron a souvent défendu ses réformes en expliquant qu’il appliquait le programme sur lequel il a été élu, il y a en effet quelques réformes dans les tuyaux qui ne faisaient pas partie du programme, ou dont les détails n’étaient pas spécifiés. Je peux vous en citer deux, emblématiques. La première c’est la réforme de la SNCF, qui n’avait pas été abordée lors de la campagne présidentielle. Si le statut des cheminots est un serpent de mer de la politique, le chef de l’Etat ne s’était pas aventuré sur ce terrain pendant sa campagne.

La deuxième, c’est la réforme de la constitution, accompagnée de celle du Parlement et du mode de scrutin. La réduction du nombre de parlementaires et l’introduction d’une dose de proportionnelle faisaient partie de ses négociations de campagne avec François Bayrou, mais les modalités étaient restées entre les deux hommes. L’arbitrage finalement pris par le chef de l’Etat ne semble d’ailleurs pas du goût du patron du MoDem.

Cyril : Je souhaiterais savoir si la courbe du chômage à réellement baissé en un an avec l’effet Macron ?

Le chômage a vraiment baissé depuis un an. Mais la tendance avait commencé avant l’élection d’Emmanuel Macron (fin 2015). Il est très difficile de dire lesquelles des mesures promues par François Hollande ou Emmanuel Macron ont eu un effet. Le chômage est une donnée qu’il faut analyser sur le long cours. Il est impossible de vous dire qu’il y a eu ou qu’il y aura un « effet Macron ».

Erendira : Des enjeux à moyen et long terme se profilent : risques de hausse du prix du pétrole, des taux d’intérêt, instabilité liée au changement climatique à venir… Cela augurerait d’un environnement économique sans croissance ou presque sur le long terme. Pensez-vous qu’il s’agit d’un scénario envisagé par le gouvernement ?

Vous avez totalement raison de souligner ce point fondamental. Si l’économie mondiale va mieux, rien ne dit qu’il en sera de même tout au long du quinquennat. Plusieurs signaux laissent à penser que la croissance pourrait s’essouffler, après un premier trimestre ralenti. Si la bonne conjoncture a permis de faire passer certaines réformes sans trop de dégât, avec une réduction du déficit, un durcissement économique compliquerait fortement la deuxième moitié du quinquennat.

NLB : Où en est sa cote de popularité ?

Cela dépend de l’indicateur que vous prenez. Sur notre sondage Ipsos Sopra Steria, Emmanuel Macron perd 20 points de confiance en un an, passant de 64 % d’opinions favorables à 44 %. La chute semble très lourde. Mais elle est moins importante que celle de Nicolas Sarkozy (- 28 points) et de François Hollande (- 33 points). Surtout, le chef de l’Etat fait face à des oppositions beaucoup plus éclatées que ses prédécesseurs. En clair, il pourrait reprendre à son compte le proverbe : « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. »

Thomas : Plutôt que de vouloir juger trop rapidement des quelques réformes à peine mises en œuvre moins d’un an après l’élection, que peut-on penser du choix des réformes faites en priorité ?

Vous avez raison, et le but de ce chat n’est d’ailleurs pas de « juger » les réformes, mais de répondre aux questions qui se posent sur cette première année. Le choix des réformes mises en œuvre dès la première année est effectivement décisif. Emmanuel Macron avait érigé en priorité la réduction du déficit sous la barre des 3 % et la réforme du code du travail. D’après lui, ces réformes doivent permettre d’assainir nos finances et de relancer l’économie. Y aura-t-il un deuxième temps de la redistribution dans le quinquennat ? C’était le calcul de François Hollande, qui voulait faire des économies les deux premières années et profiter du regain de l’économie pour appliquer une politique redistributive par la suite. La formule n’a pas marché. Mais la conjoncture est bien meilleure pour Emmanuel Macron.

En revanche, ce que l’on peut déjà constater, c’est qu’il y a eu un décalage entre les mesures d’économie (hausse de la CSG, par exemple) réalisées en début d’année et les mesures redistributives (suppression de la taxe d’habitation) réalisées en fin d’année. Le décalage a entraîné une perte de pouvoir d’achat pour certains.

Un an après : quel bilan pour Macron ?
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