Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, et le président chinois, Xi Jinping, à Dalian, en Chine, le 9 mai 2018. / KCNA / REUTERS

La perspective du sommet entre Donald Trump et le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, donne lieu à un tourbillon d’activité diplomatique en Asie du Nord-Est. Le président américain a tweeté en fin de semaine dernière que le lieu et la date de leur rencontre avaient été choisis, sans les révéler. C’est pour avancer sur l’organisation de ce dialogue historique que Mike Pompeo, fraîchement confirmé à la tête de la diplomatie américaine, a atterri à Pyongyang, mercredi 9 mai.

M. Pompeo s’était déjà rendu en Corée du Nord au cours du week-end de Pâques, alors qu’il était encore directeur de la CIA. Outre la volonté de « fixer le cadre permettant de faire du sommet un succès », le secrétaire d’Etat pourrait avoir cette fois entrepris de négocier la libération des trois Américains détenus en Corée du Nord, qui constituerait un geste symbolique du régime en faveur de l’administration Trump à l’approche du sommet. Le président américain avait conseillé une semaine plus tôt de « rester à l’écoute » sur ce dossier.

Kim Dong-chul, un homme d’affaires et pasteur américain âgé d’une soixantaine d’années, a été condamné en avril 2016 en Corée du Nord à dix ans de travaux forcés après son arrestation l’année précédente pour subversion et espionnage. Kim Hak-song et Kim Sang-duk, également connu sous le nom de Tony Kim, travaillaient tous deux pour l’université des sciences et de la technologie de Pyongyang lorsqu’ils avaient été arrêtés en 2017 pour « agissements hostiles ».

Selon certaines sources, les trois ressortissants américains auraient été déplacés à Pyongyang avant une possible libération. « Nous nous attendons à ce qu’il ramène (…) les captifs », s’est avancé un responsable de la présidence sud-coréenne, cité par l’agence Yonhap, au sujet de la visite de M. Pompeo en Corée du Nord.

« Demandes raisonnables »

Le secrétaire d’Etat américain a atterri dans la capitale nord-coréenne le lendemain du retour à Pyongyang de Kim Jong-un, parti, lui, les 7 et 8 mai, à Dalian, dans l’est de la Chine, pour une nouvelle rencontre surprise avec le président chinois, Xi Jinping. Kim Jong-un s’était déjà rendu à Pékin fin mars en train, effectuant alors son premier déplacement à l’étranger depuis qu’il a succédé en 2011 à son père au pouvoir. Il a cette fois pris l’avion, prouvant ainsi qu’il pourrait le faire de nouveau pour rencontrer le président américain dans un pays tiers – comme Singapour, la destination pressentie du sommet.

Le dirigeant nord-coréen aurait confié à Xi Jinping, selon la presse chinoise, son espoir que la Corée du Nord et les Etats-Unis « instaurent entre eux une confiance mutuelle » et « prennent des mesures progressives et synchrones » pour dénucléariser la péninsule coréenne.

C’est tout l’enjeu des négociations à venir. A l’opposé du démantèlement immédiat, irréversible et vérifiable du programme nucléaire de Pyongyang exigé par Washington, Pékin prône une dénucléarisation progressive en parallèle à une levée des sanctions économiques. Lors d’un entretien téléphonique avec Donald Trump mercredi matin (heure chinoise) – soit quelques heures après sa rencontre avec Kim Jong-un – M. Xi l’a d’ailleurs appelé à « considérer les demandes sécuritaires raisonnables de Pyongyang ».

A Tokyo, dans le même temps, le premier ministre, Shinzo Abe, accueillait son homologue chinois, Li Keqiang, et le président sud-coréen, Moon Jae-in, pour le premier sommet trilatéral depuis 2015. Les trois dirigeants ont réaffirmé leurs efforts conjoints pour une dénucléarisation pacifique de la Corée du Nord. Conformément au souhait de M. Moon, MM. Abe et Li ont également émis un communiqué spécial exprimant leur soutien à la déclaration signée lors du sommet intercoréen du 27 avril.

Divergences de vue

Le sommet n’a pourtant pas effacé les divergences de vue entre les trois pays. M. Abe appelle à l’abandon du programme nucléaire mais aussi balistique de Pyongyang et insiste pour que soit incluse dans la négociation la question des enlèvements de Japonais par des agents de Pyongyang dans les années 1970 et 1980. Il a plaidé pour continuer d’appliquer les résolutions de l’ONU.

Le premier ministre nippon colle sur le nucléaire à la position de Washington, qui dit ne pas vouloir d’un processus par étapes avec la Corée du Nord après l’échec des précédents du début des années 2000. Washington fait de la dénucléarisation un préalable à la fin des sanctions et veut maintenir une « pression maximale » sur Pyongyang d’ici là.

Le dossier nord-coréen n’était pas l’unique enjeu du sommet tripartite de Tokyo, où la coopération économique a également été évoquée, mais il contribue à pousser la Chine, déjà bousculée par Washington sur la question de ses excédents commerciaux avec les Etats-Unis, à renouer des relations de travail productives avec le Japon après plusieurs années de crise. Aucun dirigeant chinois n’était venu dans l’Archipel depuis la visite du premier ministre Wen Jiabao en mai 2011, en raison des tensions sur les questions historiques et les contentieux territoriaux, le tout sur fond de renforcement de l’alliance nippo-américaine.

Le sommet de Tokyo avait pour objectif de sortir le premier ministre nippon du relatif isolement où il se trouve depuis la relance début 2018 du dialogue avec la Corée du Nord, qu’il rejetait et auquel s’est converti M. Trump. Depuis le sommet intercoréen entre Moon Jae-in et Kim Jong-un, Séoul, qui défend toujours une certaine fermeté, semble plus enclin à des concessions progressives dans le domaine économique, s’éloignant de ce fait de la position nippone.