Le cinéaste japonais Satoshi Kon est mort en 2010, à l’âge de 46 ans, d’un cancer du pancréas. Génie de l’animation, il reste peu connu en France. La ressortie en salle le 9 mai de son premier film Perfect Blue (1997) et une rétrospective de l’ensemble de sa filmographie à Paris au cinéma Le Brady, du 10 mai au 4 juin, sont l’occasion de découvrir ou redécouvrir l’univers de ce réalisateur visionnaire, dont le dernier film, Dreaming Machine, est resté inachevé. Juste avant de mourir, le cinéaste avait demandé à son équipe de terminer cette œuvre qu’il décrivait comme « un road movie pour robots ». Il avait tenté d’ouvrir son monde aux plus jeunes davantage séduits par les créations du Studio Ghibli, tels que Hayao Miyazaki ou Isao Takahata. Mais Masao Maruyama, producteur du film et cofondateur du studio Madhouse, en difficultés financières, n’a pas encore pu répondre au souhait de Satoshi Kon.

[Bande-annonce HD] PERFECT BLUE de Satoshi Kon • Le 9 mai au cinéma
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L’œuvre du cinéaste se distingue par sa manière d’évoquer des sujets d’adultes en mêlant rêve et réalité, comme le souligne la rétrospective parisienne qui a choisi cet intitulé. Le style à la fois sombre , réflexif et métaphysique de Satoshi Kon n’est pas sans rappeler d’autres grands noms de l’animation nippone : Katsuhiro Ôtomo (Akira) et Mamoru Oshii (Ghost in the Shell), avec lesquels il a travaillé avant de réaliser Perfect Blue, sortie en France en 1999.

Adapté très librement d’un roman policier, le film prend pour cadre la J-pop, la culture des idols – ces stars japonaises provoquant souvent l’hystérie générale – et le harcèlement qui découle de la célébrité. Au centre de ce récit, il y a Mima, une idol, en proie à un admirateur décidé à dévoiler sa vie intime. Satoshi Kon puise alors aussi bien dans le giallo – genre cinématographique à la frontière du policier, de l’horreur et du film érotique – que dans les thèmes chers à Brian De Palma (Pulsions, Body Double). Son film s’apparente à une expédition mentale, un jeu de piste à l’intérieur du crâne de Mima.

Univers cérébral et perturbant

Le travail sur univers cérébral et perturbant l’inconscient obsède le réalisteur et ses films en témoignent. Millenium Actress, réalisé en 2001, présenté à l’occasion de la rétrospective, met en scène une célèbre actrice japonaise dont les rôles illustrent les grands épisodes de l’histoire nipponne. Tokyo Godfathers, sorti en 2003, raconte les aventures d’un enfant abandonné recueilli par un trio de mendiants à Tokyo qui mènent l’enquête et se confrontent à leurs fantômes du passé pour retrouver la mère du bébé dans un Japon sans repères – Satoshi Kon, amateur de cinéma américain, s’est souvenu du Fils du désert, de John Ford. Pour Paprika, sorti en en 2006, le cinéaste a adapté un de ses écrivains favoris, Yasutaka Tsutsui. Les personnages enquêtent cette fois-ci dans un autre domaine mental, les rêves, qui inspirera aussi Christopher Nolan pour son film Inception.

Bande-annonce - Paprika
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La rétrospective est également l’occasion de découvrir une série d’animation, genre dans lequel s’était lancé le cinéaste en 2004 : Paranoia Agent, découpé en treize épisodes de vingt-six minutes, qui reprend les thématiques de Perfect Blue. On y suit l’enquête menée par des inspecteurs à la suite de l’agression d’une conceptrice de peluche kawaï par un mystérieux gamin armé d’une batte de base-ball. Mais ce gamin existe-t-il vraiment où n’est-il que la construction mentale née d’une paranoïa générale ? L’ensemble des épisodes est proposé lors d’une « Journée Marathon », samedi 26 mai, de 14 heures à 20 heures. Une plongée de six heures dans l’univers cérébral et perturbant de Satoshi Kon.

Ressortie nationale (version restaurée) de Perfect Blue, le 9 mai.
Rétrospective des films de Satoshi Kon au Brady, 39, boulevard de Strasbourg, Paris 10e. Paprika, du 10 au 15 mai ; Tokyo Godfathers, du 11 au 13 mai ; Perfect Blue, du 16 au 22 mai ; Millenium Actress, le 4 juin ; marathon des treize épisodes de sa série Paranoia Agent, le 26 mai. www.lebrady.fr