Eviter à tout prix le retour d’une nouvelle crise financière. Au nom de ce principe, l’Argentine a appelé à l’aide le Fonds monétaire international (FMI), mardi 8 mai, dix-sept ans après son spectaculaire défaut de paiement qui demeure un traumatisme national.

Alors que le peso, la devise nationale, est en déroute sur les marchés, le président Mauricio Macri a indiqué avoir entamé des discussions avec l’institution multilatérale pour obtenir une ligne de financement. « Cela nous permettra de faire face au nouveau scénario mondial et d’éviter une crise telle que celles auxquelles nous avons été confrontés au cours de notre histoire », a-t-il expliqué dans une allocution télévisée.

  • Pourquoi cette décision ?

Chahuté par les investisseurs, le peso a perdu 18 % de sa valeur depuis le début de l’année. Pour enrayer sa chute, la banque centrale argentine a procédé à des injections massives d’argent frais puis relevé son principal taux d’intérêt à trois reprises ces derniers jours, jusqu’à le fixer à 40 % vendredi 4 mai.

Malgré ce niveau record, le peso a continué à dévisser en début de semaine. Cette dégringolade s’inscrit dans un mouvement global provoqué par le raffermissement du dollar et la remontée des taux des bons du Trésor américain. Mais la monnaie argentine s’est dépréciée plus sévèrement que les devises des autres pays émergents, traduisant le scepticisme grandissant des investisseurs à l’égard de la politique suivie par Buenos Aires.

Ce plongeon risque d’alimenter une inflation qui dépasse déjà 20 %. En menaçant de renchérir le coût du service de la dette, il nourrit aussi les inquiétudes sur la solvabilité de la troisième économie d’Amérique latine, abonnée aux crises financières : l’Argentine a fait huit fois défaut depuis son indépendance en 1816. Les pressions sur la devise ont tiré vers le bas tous les actifs financiers du pays, des actions aux obligations.

  • Que demande l’Argentine au FMI ?

Buenos Aires réclame au Fonds monétaire une ligne de crédit flexible. Il ne s’agit pas d’un plan d’aide traditionnel, mais d’un outil de précaution, dont certains pays peuvent user afin de rassurer les marchés en leur montrant qu’ils appliquent une politique économique validée par le FMI. Seuls trois Etats membres ont eu recours à cet instrument : la Pologne – qui en est sortie l’an dernier –, le Mexique et la Colombie. Aucun n’a utilisé les fonds mis à disposition.

Théoriquement, ce « filet de sécurité » n’est pas ouvert à tout le monde. Pour pouvoir en disposer, les pays sont censés disposer d’un très bon cadre macroéconomique.

Curieusement, notent certains analystes, l’Argentine semble avoir réussi à se qualifier malgré ses faiblesses : une inflation élevée, des déficits courants et une dette qui ne cesse d’augmenter. « Nous ne pouvons pas encore dévoiler les montants [demandés], mais nous nous sommes mis d’accord sur un soutien financier du FMI à l’Argentine », a précisé le ministre de l’économie, Nicolas Dujovne, dans une conférence de presse. Selon des informations de l’agence Bloomberg, le crédit sollicité atteint 30 milliards de dollars.

Cet appel au secours constitue une nouvelle étape dans la relation souvent tendue entre l’Argentine et le Fonds. L’institution avait prêté de l’argent au pays avant son défaut de 2001. Elle fut très critiquée pour n’avoir pas su anticiper et désamorcer la crise. En 2013, le FMI publia une « déclaration de censure » contre Buenos Aires, accusé de produire des statistiques non fiables. Les liens se sont réchauffés depuis l’arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, un libéral ayant promis de réconcilier son pays avec les marchés et de détricoter les politiques « populistes » de sa prédécesseure Cristina Kirchner.

  • Que va-t-il se passer ?

« Après avoir reçu un pays avec l’un des plus bas niveaux de dette du monde, Macri annonce qu’il doit recourir aux recettes du FMI. Nous avons changé le futur pour le passé », a cinglé Mme Kirchner sur Twitter. En réalité, l’instrument d’urgence du FMI ne nécessite en théorie aucune contrepartie ni réformes structurelles. Le gouvernement argentin n’a pourtant d’autre choix que d’œuvrer à stabiliser au plus vite la situation économique. Le tout en menant de front plusieurs objectifs parfois difficiles à concilier : le retour à une croissance robuste, la réduction de l’endettement et du déficit budgétaire et la maîtrise de l’inflation. Un programme délicat à mener à l’heure où une certaine fatigue s’exprime au sein de la population vis-à-vis des réformes et où les appels à de fortes revalorisations salariales se font plus pressants pour compenser la hausse des prix.

Reste à connaître le détail de l’accord qui sera passé entre le Fonds et Buenos Aires. « Les discussions ont été initiées sur la manière de travailler ensemble pour renforcer l’économie de l’Argentine et vont se tenir très rapidement », a assuré, mardi, la patronne du FMI, Christine Lagarde.