Plate-forme pétrolière offshore, au large de Neka (Iran), en mer Caspienne, en 2009. / Stringer Iran / REUTERS

Le paradoxe pourrait faire sourire : en annonçant sa décision de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien, le président américain, Donald Trump, a de grandes chances de soutenir les prix du pétrole… alors qu’il les jugeait trop élevés, dans un Tweet rageur, fin avril.

Les cours de l’or noir bondissaient d’ailleurs en Asie, mercredi 9 au matin, alors qu’ils avaient déjà renoué avec des niveaux élevés. Le baril de brut a dépassé les 76 dollars (64,20 euros) au plus haut depuis novembre 2014. « Une partie de la hausse est liée à l’anticipation, très forte sur les marchés, que Trump allait revenir sur l’accord, explique Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et expert des milieux pétroliers. Rien ne dit que cela va s’arrêter : tout dépendra de l’ampleur des sanctions américaines. »

A court terme, le marché devra potentiellement faire face à la perte de centaines de milliers de barils iraniens par jour. Or le marché est déjà tendu : les stocks sont au plus bas dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les Etats de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ont réduit leur production et la demande reste soutenue.

« Une source de revenu essentielle pour le régime »

Le détail n’est pas encore connu, mais le président américain n’a pas caché qu’il souhaitait que les sanctions soient le plus contraignantes possible. Celles visant directement les exportations de pétrole iranien auront évidemment une incidence sur l’économie. Une telle mesure avait largement contribué à étouffer les revenus pétroliers de Téhéran à partir de 2012, et à faire pression lors des négociations. « Si l’administration Trump veut revenir à une application dure des sanctions, ils viseront en premier lieu le pétrole : c’est une source de revenu essentielle pour le régime », estime l’expert Brian O’Toole, ancien haut responsable du Trésor américain sous les présidences Obama, puis Trump.

Même si les pays européens ne suivent pas Donald Trump, il est probable que les entreprises européennes qui achètent du brut iranien ne voudront pas prendre le risque de se brouiller avec Washington. L’Iran arriverait-il pour autant à continuer à vendre massivement son pétrole en Asie ? Ses deux principaux acheteurs sont la Chine et l’Inde. « Un retour de sanctions pétrolières n’affecterait pas les ventes de Téhéran, analyse Pierre Fabiani, ancien patron de Total dans le pays. Les banques européennes seront peut-être effrayées, mais les Chinois comme les Indiens se moquent des sanctions américaines : ils achèteront toujours à Téhéran, avec de beaux rabais. » Le Japon ou la Corée du Sud, autres gros clients, pourraient en revanche être sensibles aux pressions américaines.

Conséquences à double tranchant pour les Etats-Unis

Les conséquences pour les Etats-Unis sont à double tranchant. Quand les prix du pétrole augmentent, l’industrie pétrolière américaine – et notamment le pétrole de schiste en pleine expansion – crie victoire. Pas les consommateurs, qui voient, depuis quelques semaines, le prix à la pompe grimper, alors qu’approche l’été, période de grande consommation d’essence dans le pays. Une grogne chez les conducteurs américains serait de mauvais augure pour Donald Trump pour les élections de mi-mandat, en novembre 2018.

Cette décision fait au moins un gagnant : l’Arabie saoudite, grande rivale de l’Iran au Proche-Orient, qui milite activement pour un prix du baril élevé et contre l’influence iranienne dans la région.

Accord nucléaire iranien : Donald Trump annonce le retrait des Etats-Unis
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