M. Lundgren revendait pour quelques centimes les outils de réinstallation de Windows, disponibles gratuitement sur le site de Microsoft. / Eduardo Munoz / REUTERS

Eric Lundgren, 33 ans, a vu son appel rejeté le 11 avril par un tribunal de Miami : l’Américain sera donc bien condamné à quinze mois de prison et 50 000 dollars (42 000 €) d’amende.

Son crime : avoir téléchargé des outils distribués gratuitement par Microsoft, et les avoir gravés sur 28 000 CD-ROM pour les revendre (à perte, selon lui) 12 centimes pièce.

M. Lundgren, qualifié de « pionnier du recyclage informatique » par Nathan Proctor, directeur du groupe de recherche d’intérêt public Right to Repair (« Droit à réparer »), s’en est fait une spécialité : réparer des ordinateurs hors d’état de marche pour leur donner une seconde vie, notamment dans des pays émergents.

Sa ligne de défense : il ne vend pas de versions du système d’exploitation Windows, mais uniquement les outils pour les réinstaller sur des ordinateurs qui en étaient déjà équipés. Car si ceux-ci sont gratuitement disponibles en téléchargement, il est souvent impensable pour les reconditionneurs en Afrique, en Asie et parfois même aux Etats-Unis, qui peuvent avoir un accès limité au Web, de les télécharger eux-mêmes.

25 dollars pour réinstaller Windows

L’affaire remonte à 2012. Les CD-ROM d’Eric Lundgren, qui dormaient jusque-là dans des entrepôts chinois et venaient finalement d’être achetés à prix cassé par un intermédiaire en Floride, sont saisis par les douanes.

Pour M. Lundgren, qui a reconnu sa culpabilité, les CD-ROM n’avaient néanmoins aucune valeur commerciale. Son intermédiaire, qui, lui, a plaidé coupable sans réserve, a bénéficié d’une peine plus légère : six mois de détention à domicile.

Car selon Microsoft, à qui le tribunal a donné raison, le transfert d’une licence, c’est-à-dire de l’autorisation d’utiliser un logiciel, n’est autorisé que lorsqu’un ordinateur change de main de particulier à particulier. Quand le PC est racheté, reconditionné et revendu par un professionnel, il est, en revanche, nécessaire de racheter une licence, d’une valeur de 25 dollars (21 euros), pour pouvoir y réinstaller Windows. Le constructeur a sorti la calculatrice : c’est donc de la somme de 700 000 dollars (600 000 euros) qu’il s’estime lésé.

« Contrairement à la plupart des e-recycleurs, M. Lundgren présente les logiciels contrefaits comme légitimes et les revend aux reconditionneurs, s’en est expliqué Microsoft dans un post de blog du 27 avril, signé par le responsable de la communication de l’entreprise. Les e-mails présentés au tribunal sont clairs : M. Lundgren cherchait bien à revendre des logiciels contrefaits avec dans l’idée d’en faire profit. »

« Heureux d’y aller »

Dans un article du 29 avril, le Washington Post décrit Eric Lundgren comme un pionnier respecté du « e-recyclage », capable de fabriquer des voitures électriques plus efficaces que celles de Tesla à partir de pièces de seconde main : « sa société californienne traite 19 millions de kilos de déchets électroniques chaque année, et compte IBM, Motorola et Sprint parmi ses clients ».

« Cela ne me dérange pas de faire de la prison, s’est confié M. Lundgren au Washington Post. En fait, je suis heureux d’y aller, si cela permet de faire bouger les choses ».

Si des associations, à l’image de Right to Repair, accusent les constructeurs informatiques et électroniques de pousser à jeter et à racheter leurs appareils plutôt qu’à les réutiliser, Microsoft, dans son message du 27 avril, s’en défend pourtant. « Nous soutenons le reconditionnement et le recyclage des ordinateurs (…). Nos programmes ont plus de 3 000 membres, qui recyclent des millions de PC ».