Le cercueil d’Afonso Dhlakama porté par des soldats de l’armée gouvernementale mozambicaine qu’il combattait, lors des funérailles officielles du leader de la Renamo, le 9 mai 2018 à Beira. / Tsvangirayi Mukwazhi / AP

« Nous enterrons le corps, mais nous n’enterrons pas les idées. » En quelques mots, prononcés sur la tombe fraîchement refermée d’Afonso Dhlakama, le frère du défunt a résumé l’état d’esprit de tout un mouvement. Jeudi 10 mai, militants et sympathisants de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo) sont venus de tout le pays, voire de l’étranger, pour saluer celui qui les a guidés durant trente-neuf ans, lors de sa mise en terre dans son village natal de Mangunde (centre). Emus et fébriles, ils ont fait leurs adieux au chef de guerre et à l’homme de paix, figure de l’histoire du Mozambique.

Décédé subitement le 3 mai, à 65 ans, d’une attaque cardiaque, le leader de l’ancienne rébellion de la guerre civile (1976-1992) devenue principal parti d’opposition, repose en pleine brousse, là où il aura passé la plus grande partie de sa vie. Il y avait une certaine incongruité à voir les soldats de l’armée mozambicaine transporter son cercueil, puis tirer trois coups de feu en l’air lors du salut militaire. Des soldats qu’Afonso Dhlakama aura combattus jusqu’à la fin.

Après une série d’échecs électoraux, la Renamo avait repris les armes en 2013 pour contester l’hégémonie du Front de libération du Mozambique (Frelimo), l’ancien parti marxiste au pouvoir depuis l’indépendance, en 1975. Après un regain de tensions en 2016, le dirigeant rebelle avait annoncé une trêve, permettant la tenue de nouvelles négociations. Il est mort dans sa base nichée dans les montagnes de Gorongosa, encerclé par les troupes gouvernementales. « Il nous disait toujours que c’est la maladie qui le tuerait, pas les balles du Frelimo », remarque Albina da Costa, une militante.

Marée humaine

Situé à une vingtaine de kilomètres de la principale route reliant le nord au sud du Mozambique, le village du chef Mangunde, le père d’Afonso Dhlakama, n’avait jamais connu pareille affluence.

La veille, après les funérailles officielles organisées à Beira, une véritable marée humaine s’était formée pour accompagner le cortège jusqu’à la sortie de la ville, la deuxième du pays. Un signe de la popularité de celui qui était perçu comme le seul capable de faire plier le régime du Frelimo. Le temps d’une cérémonie historique, mercredi, le gouvernement et la Renamo ont mis en suspens plus de quarante ans de différends afin de rendre hommage, côte à côte, au vieux guérillero.

« Jusqu’à sa mort, Afonso Dhlakama avait ses propres convictions sur le pluralisme politique au Mozambique, et il a donné sa vie pour les défendre », a admis dans son éloge funèbre le président Filipe Nyusi, son ancien rival. Depuis la trêve, les deux hommes négociaient en tête à tête. Ils étaient proches d’un accord. « Que ce soit bien clair pour tous les Mozambicains, je poursuivrai le processus de construction de la paix avec le nouveau leadership du parti de Dhlakama », a annoncé le chef de l’Etat, sous les applaudissements.

L’épineuse question de la démobilisation

De leur côté, les dirigeants de l’opposition n’ont pas hésité à égratigner le gouvernement. « Le président Dhlakama a été victime de l’intolérance politique, il a souffert des attaques successives perpétrées par les forces de défense et de sécurité », a dénoncé Ossufo Momade, son successeur par intérim. « Pars, heureux, vers la vie éternelle. Nous allons poursuivre ta lutte », a conclu, en s’adressant au défunt, le nouvel homme fort de la Renamo. Cet ancien lieutenant général de la branche armée, proche de Dhlakama et député à l’Assemblée, est en bonne position pour assurer la relève.

Les priorités pour le parti sont désormais de faire aboutir les négociations de paix, de régler l’épineuse question de la démobilisation de ses combattants et de leur réintégration dans l’armée régulière, et de préparer sereinement les élections locales prévues en octobre.

Les militants, qui attendent la désignation officielle du successeur d’Afonso Dhlakama, semblent d’ores et déjà prêts à suivre un nouveau chef. Profondément affectés par la disparation de leur « guide suprême », qu’ils qualifient de « père de la démocratie », ils ne laissent pas le désespoir se substituer à la douleur. « Ce qu’il nous a appris, c’est à lutter, jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’on ait la démocratie et une paix effective », résumait Maria Ramos, une sympathisante, juste après l’enterrement.